"Si la capacité des cons à s'auto-éliminer ne doit pas être négligée, la volonté effarante du monde moderne et de l'Etat-providence à les sauver rend vain tout espoir de sélection naturelle"

"Il y a deux aristocraties : celle du haut et celle du bas. Entre les deux, il y a nous, qui faisons la force de la France.

mardi 22 février 2011

La câlinothérapie.

C’est avec une cruelle jubilation que Muray enfilait sur le fil de sa prose les nouveaux métiers que le moderne a multipliés pour notre confort présumé (agents d’ambiance, médiateurs de voisinages, assistantes et souteneurs psychologiques oeuvrant en cellule ou non…)
Je ne me souviens pas, en revanche, (mais je suis loin d’avoir tout lu) qu’il ait évoqué un métier (ou fonction) pourtant indispensable au fonctionnement harmonieux de nos plus hautes sphères au principal et de nos vies prosaïques pour plus que l’accessoire. En effet, à l’instar du bourrelier en sellerie d’équipage, du bronzier de marine ou du restaurateur de poteries Ming, il y a des métiers qui ne trouvent plus d’apprentis depuis longtemps et dont le savoir-faire se perd irrémédiablement. Je pense notamment aux métiers d’hommes d’Etat (de femmes aussi, c’est pas moi qui dicte les règles du français), voire simplement d’hommes politiques (d°), sans pour autant qu’on manque de politiciens…

Sans doute apparu il y a déjà 35 ou 40 ans, ce métier dont Muray aurait pu nous parler avec profit, a heureusement permis de combler le vide laissé par la disparition (aussi brutale que celle des dinosaures) du métier d’hommes d’Etat et des métiers connexes exercés par leurs bras droits (et par leurs bras gauches pendant qu’on y est)
Bénéficiant d’une formation professionnelle dispensée par nos plus grandes écoles (mais pas seulement) ce métier fortement créateur d’emploi assure des débouchés de décideurs à tous les niveaux, y compris et surtout au plus haut, et meuble de ses experts tous les tiroirs de la société.
Que ce soit à l’Elysée, dans les ministères, les syndicats, les médias ou les associations, quel que soit le titre de la fonction occupée, tous les acteurs ont dû se recycler et exercent ce nouveau métier :
celui de "gestionnaire d’émotions"…

Mon attention s’est portée sur ce métier à la lecture du dernier numéro de Valeurs Actuelles. Peut-être inspirée par le succès à 3 € du gâteux cacochyme hamasophile (mais ça n’a rien à voir), Sophie de Menthon, présidente du mouvement Ethic, y commet une tribune intitulée "Arrêtons de nous indigner". La voici, un peu abrégée :
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La gestion de l’émotion populaire est devenue une des composantes majeures de la gouvernance française, caractéristique d’un pays trop gâté et d’un vieux continent.
Usés par notre histoire, blasés, nous manquons de ressort, d’instinct de conquête et de survie ; le confort moral a émoussé notre énergie. Seule notre capacité à nous indigner est intacte, mais de quelles indignations s’agit-il ? Ne s’agit-il pas plutôt de soubresauts envieux et de révoltes égocentriques, symptômes d’une mauvaise humeur chronique ?
Nous sommes en permanence submergés par des vagues d’émotion stérile. Margot n’a jamais autant pleuré. Nos indignations s’accompagnent, se soignent et se nourrissent de la recherche délectable d’un bouc émissaire. On désigne, on montre du doigt, on s’achemine en rangs vers la place de Grève. On réclame des mesures, des coupables, des sanctions et des lois… pour les autres. Nos élus sont devenus des spécialistes en “câlinothérapie”. Ils ont peur de rater le 20 heures où ils se précipitent avec leur trousse de potions législatives prometteuses d’un “plus jamais ça !”. Ils finissent par guetter le drame du jour pour s’en faire un tremplin médiatique. La compassion est devenue le socle d’une politique sociale dont le care est la meilleure traduction.
Au lieu de s’occuper de la France, il faut veiller à l’humeur des Français, sécher les larmes, être au premier rang des enterrements et rivaliser dans la satisfaction des griefs ; plaindre les moins aisés, les étrangers, les souffrants, les jeunes, les vieux, les surdoués, les moins doués, les artisans, les classes moyennes, les banlieues, les fonctionnaires… et même les “petits” patrons ! Et puis forcément, puisqu’on nous plaint autant, c’est que nous sommes à plaindre.
Nous nous enfonçons dans la demande d’une politique compassionnelle qui fait de nous collectivement des handicapés inhibés par les difficultés de l’existence. Plus question de demander un “effort” (non remboursé par la Sécurité sociale), que ce soit pour arrêter de fumer, travailler plus dur ou renoncer à un “congé” maladie… La responsabilité individuelle s’est diluée dans la recherche de l’assistanat sous toutes les formes possibles. Nous revendiquons le statut de victimes de la vie en général. La volonté s’efface, on préfère l’excuse de la fatalité, de l’impossibilité ou du déterminisme.
De la même façon que les parents cèdent et couvrent désormais leurs enfants de signes extérieurs d’une richesse qu’ils n’ont pas, de peur de ne pas être aimés, les politiques ont peur de ne pas être aimés de leurs électeurs et les couvrent de cadeaux non financés. Ce comportement nous ruine psychologiquement et matériellement, ne satisfait personne, n’empêche pas la déprime et nous enferme dans un sentiment d’impuissance. Nous ne sommes pas vraiment gouvernés, mais traités à coup de “potions” (primes, prestations sociales, etc.) en contrepartie de mesures de rétorsion (nouveaux impôts, nouvelles taxes) qui servent évidemment à remplir les caisses vides mais qui ont surtout une valeur symbolique de “correction” des inégalités…
(…)
… Allons-nous enfin renoncer à nos tristes records : ceux de la consommation de médicaments, de jours non travaillés, de psychotropes, de labyrinthes fiscaux, de scolarité décevante et de béquilles en tout genre ? Alors oui, indignons-nous ! mais de notre propre démission.

(article complet)

1 commentaire:

  1. Aaah, ça fait du bien de changer de billet. enfin d'image! merci
    loupiot

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