"Si la capacité des cons à s'auto-éliminer ne doit pas être négligée, la volonté effarante du monde moderne et de l'Etat-providence à les sauver rend vain tout espoir de sélection naturelle"

"Il y a deux aristocraties : celle du haut et celle du bas. Entre les deux, il y a nous, qui faisons la force de la France.

lundi 2 janvier 2012

Le compteur de la mort…

En lisant les commentaires suscités par le compte-rendu aussi instructif que décevant du réveillon fort négligé de M. Goux, j’ai relevé que l’ami Farr avait "de plus en plus de scrupules à souhaiter la bonne année, puisque c'est un pas de plus qui nous conduit au cimetière."


Du coup, j’ai repensé à mon beau-père (la paix à son âme, il a dû la trouver maintenant…) Un jour, ce vieillard aussi hypocondriaque qu’autocentré nous avait envoyés à la figure avec cette véhémence théâtrale où il excellait : "- Vous ne vous rendez pas compte ! Je n’ai jamais été aussi près de la mort !" Et moi de lui répondre : "- Moi aussi, figurez-vous ! Et c’est pas nouveau ! J’ai le même problème ; depuis moins longtemps que vous, certes, mais depuis aussi loin que je m’en souvienne, je n’ai jamais eu l’occasion de connaître un seul instant où j’en ai été moins près…"


C’est curieux comme certains se font une pendule normande de cette question aussi banalement ontologique.

"Je n’ai jamais été aussi près de la mort"… Je me demande bien qui, même encore dans le ventre de sa mère, a pu rétorquer un jour : "- Pas moi, M’sieur !"… Bien sûr, il y a des moments privilégiés pour oublier (fugacement …) cet état essentiel, par exemple en faisant l’amour (pour de vrai) ou en faisant oraison (pour qui y arrive…) Bien sûr, l’homme moderne en général et egobody en particulier veille à ne pas laisser vide sa poche de perfusion de divertissements, mais ce n’est là que neuroleptiques…


Pourtant, nous avons une chance incroyable : ne savoir ni le jour ni l’heure ! Imaginez que ce soit l’inverse : Qu’on ait chacun notre compte à rebours !


Dans M le maudit, ce vieux film en noir et blanc de Fritz Lang visionné en mauvaise copie de ciné-club, il y a ce passage vers la fin où l’alarme se déclenche. S’en suit alors la course des malfrats s’acharnant tant qu’ils le pouvaient encore à fouiller fébrilement tous les recoins obscurs du labyrinthe des greniers de l’entrepôt à la recherche du serial-killer. Tout cela s’accompagnait de l’aboiement lancinant du chef ou du guetteur :

"Sie haben nur fünfzehn Minuten ! Sie haben nur vierzehn Minuten ! ... Sie haben nur zehn Minuten ! ... Sie haben nur zwo Minuten ! ..."


Imaginez un peu le truc ! La panique à bord. DSK comptant mentalement le matériel qui lui reste à consommer ! Béachelle se tordant les mains en pensant à tous les oracles à la con qu’il n’aura pas le temps de délivrer ! Les compagnies d’assurances qui se gavent sur les primes personnalisées, les bébés-présidentiables dont les rêves pour 2017 ou 2022 s’effondrent, …

Même le Plouc-em’ aurait sans doute jeté aux orties cette devise qui état la sienne pour tout avec Mme Plouc : "Le plus vite possible sans se presser…"


Nous n’avons jamais été aussi près de la mort sans tic-tac… Joie !

10 commentaires:

  1. Si nous avions chacun notre compte à rebours, je crois qu'on s'y ferait. Il faudrait bien entendu qu'il demeure confidentiel : les problèmes que poserait sa divulgation seraient infinies. Allez donc emprunter une forte somme, demander la main d'une charmante personne, souscrire une convention obsèques si votre compte ne correspond pas plus ou moins aux attentes de vos interlocuteurs.

    Pour l'intéressé, il n'y aurait que des avantages : plus question de se croire immortel et de vivre en fonction de cette illusion, inutile de se lancer dans des entreprises dont on ne verra pas le résultat, possibilité de faire du rangement et de ramener ses livres à la bibliothèque avant l'instant fatal, dire leur fait à ceux qui vous pourrissent la vie... La liste serait longue.
    D'ailleurs, certains d'entre nous sont prévenus, de manière un peu floue, certes, mais prévenus quand même.La belle mort, au Moyen Age, c'était celle qu'on voyait venir et qui permettait de mettre de l'ordre dans ses affaires matérielles comme spirituelles. Depuis que nous n'aimons plus voir les choses en face, ça a changé...

    RépondreSupprimer
  2. Je ne suis pas d'accord avec vous, cette expression dit quelque chose de bien réel, sous ses apparences de truisme. Elle dit que, jusqu'à un certain âge (variable selon les individus, et même très variable), sa propre mort n'existe pas, simplement parce qu'elle est encore inconcevable. Et que, à partir d'un moment, on prend conscience du compte à rebours.

    Il va de soi que cela ne vaut que pour l'homme contemporain : nos ancêtres, et jusqu'au XIXe siècle, savaient sans doute dès leur plus jeune âge, que la mort pouvait les saisir à chaque coin de rue, à la première toux de l'hiver, etc.

    RépondreSupprimer
  3. Infinis, les problèmes, pas infinies !

    RépondreSupprimer
  4. @ Jacques - Bien sûr qu’on s’y ferait, nolens volens… Et pour ma part, j’aspire à la « belle mort » du Moyen-âge (et souhaite à certains la « male mort… » cépabien…)
    Mais ainsi est la nature des choses.
    Pas d’accord avec vous : D’abord la « confidentialité » que vous évoquez, pour possible qu’elle soit, serait LA source d’un stress et d’une psychose, de la méfiance généralisée pour tous dans l’altérité. Bonjours la société ! Chacun son compteur bien secret, c’est la disparition de toute possibilité de « vrai communion sociale », pour éros comme pour agapé. L’espèce humaine réduite à une juxtaposition d’individus centrés sur leurs petites affaires perso…
    Et surtout, surtout, où est la Liberté ? Inch Allah, c’est écrit…
    Le problème d’aujourd’hui, ce n’est pas le « ni le jour ni l’heure », c’est que « la mort a remplacé le sexe dans l’ordre de l’obscène » comme disait je ne sais plus qui…

    @ Didier – Je cause évidemment de l’homme contemporain à défaut de comptant pour rien, ic et nunc…

    RépondreSupprimer
  5. Ouh la la, ça fait froid dans le dos!
    C'est le problème de la divergence entre le
    réel et le ressenti. A vingt ans on se sent moins
    concerné qu'à soixante, c'est tout.
    Amitiés.

    RépondreSupprimer
  6. Et quand on pense qu'on n'a jamais été si près de la mort de certains (pas de noms!), ça console.

    RépondreSupprimer
  7. Je me permets d'intervenir sur votre blog Monsieur Plouc, pour vous promettre de vous accabler en 2012, mais aussi pour vous souhaiter une nouvelle année riche du courage dont vous faites preuve. Gloire aux vivants !

    RépondreSupprimer
  8. Hic et nunc, non?

    Popeye

    RépondreSupprimer
  9. Pas d'impatience, ça viendra bien assez tôt.
    Pour le moment, passez une très bonne année 2012. Tous mes voeux !

    RépondreSupprimer