"Si la capacité des cons à s'auto-éliminer ne doit pas être négligée, la volonté effarante du monde moderne et de l'Etat-providence à les sauver rend vain tout espoir de sélection naturelle"

"Il y a deux aristocraties : celle du haut et celle du bas. Entre les deux, il y a nous, qui faisons la force de la France.

jeudi 31 octobre 2013

Le rire de Satan.


Elle aussi s’en voulait et le rechercha. Pour elle c’était facile ; Schemeun, ce n’était pas courant et il n’y en avait qu’un. Et avec une notice Wikipédia en plus ! Même si la photo datait de plus de sept ans, il n’y avait aucun doute possible : c’était bien lui.

A sa lecture, tout ce qu’elle avait échafaudé dans sa tête au cours de l’après-midi s’effondra. Mais elle, elle ne s’effondra pas. Et elle lui trouva vite toutes les tares possibles à la mesure de sa déception.
Elle qui avait tant de fois changé de prénom, ne comprenait plus qu’on puisse porter avec fierté un blaze aussi ridicule : Schemeun ! C’était bien la preuve de la fatuité gauche-caviar de ce mec ! Elle qui avait été nourrie au lait de l’internationalisme et de l’égale dignité de toutes les cultures ; elle qui s’était si souvent insurgée contre la codification répressive des usages bourgeois, elle n’avait pas percuté que ce n’était après tout qu’une manière exotique respectable d’orthographier Simon.
A chaque fois, en se nommant, Sarah, Sophia ou Soledad, elle avait fait un choix qu’elle jugeait signifiant. Mais sa conversion au côté obscure était trop récente et pas encore assez enracinée pour qu’elle conçoive déjà qu’on puisse assumer un choix que d’autres ont fait pour vous à votre place. Comme si ce n’était pas là une manière d’admettre, comme elle avait commencé à faire, la valeur de la transmission et l’existence d’un réel et de limites qu’on renonce en toute liberté à transgresser.
Elle qui avait changé de nom, ça aurait pu lui faire penser à Simon, le patron-pécheur analphabète à qui le Rabbi avait confié les clefs ; ou à Simon le Zélote qui se battait pour libérer son peuple ; ou encore à Simon de Cyrène, le Libyen qui traduisait sa compassion en actes  Mais non. Pourtant, il y avait eu, fugacement entraperçu, un Simon auquel elle aurait voulu confier sa clef, un Simon pour la libérer, pour la comprendre…
Mais on s’était bien gardé de lui raconter ces historiettes légendaires. D’ailleurs, cela n’aurait pu se faire puisque ni ses parents ni ses éducateurs ne les connaissaient.

Non seulement ce type était une ordure, gigolo se prostituant à un vieillard pédéraste, agent d’influence et incarnation du désastre, mais il s’était en plus sûrement foutu de sa gueule.   

Le soir du 18 Dix, épuisée et encore tremblante, elle avait fini par s’endormir. Pour se réfugier dans ses rêves et échapper à cette horreur dont elle avait été à la fois l’auteur et le témoin. Il n’y aura pas de fruit de leurs sèves.
Elle rêvait d’un futur. Mais, maintenant qu’elle avait épousé le réel, ce futur n’avait plus d’avenir crédible. Alors, ce futur, elle n’arrivait plus à se le représenter autrement qu’en rejouant le passé : Elle se rêvait Pucelle de Vaucouleurs chevauchant, bannière au vent, à la tête de milliers de soudards sans foi ni loi mais avides de trucider du Godon. Montjoie Saint Denis ! Ou Geneviève. Ou, plus prosaïquement, Catherine Ségurane, la lavandière qui bouta les Turcs hors de Nice après leur avoir fièrement montré son cul.
Elle qui avait vénéré Dolorès Ibárruri se voyait Soledad à Madrid. Elle sortait de la tranchée pour reprendre la cité universitaire à ces connards de bolchos. Le Luger d’une main, son étendard de l’autre, sangre y oro, elle entrainait ses troupes derrière elle. Pas vraiment des miliciens de la Phalange, ni des mercenaires marocains, ni même des requetés Carlistes… Non, mais l’avenir fantasmé et fracassé de la Grande Espagne : rien que des gamins, bonnets de police à pompon et fusils plus lourds qu’eux, des gamins naïfs, maigres et bruns, qui finiront à la Valle de los caídos mais qui la suivaient, tous confusément amoureux d’elle… C’étaient ses rêves.

Et puis ces deux détonations. Elle avait pulvérisé un décor en carton. Un de ces décors de théâtre kitch sans plus d’épaisseur que celle que lui attribuaient les parasites intermittents d’un spectacle virtuel. Deux détonations dont l'écho, répercuté entre les façades résonnait encore dans sa tête. Un écho où une oreille attentive aurait distingué le rire de Satan.
Car derrière ce décor, à l’insu de son plein gré, elle avait du même coup pulvérisé l’épaisseur vraie de Schemeun.  

Heureusement pour elle, elle ne le savait pas.

En faisant son job de chienne de garde de l’Empire du Bien, Térébenthine lui avait évité ça. Schemeun Sweborg avait pu resservir encore une fois pour l’avancée des Valeurs.
Sa mort, dire qu’elle avait failli la louper ! Bon, l’enquête ne donnait toujours rien ; ça ne peut pas marcher à tous les coups. Mais la campagne-media est excellente ! Si ces idiots de flics ne nous trouvent rien, il suffira de passer vite-fait à autre chose… Ce fut quand-même une belle occasion de piqure de rappel ! Ce rappel récurrent de l’absolue nécessité d’écraser l’infâme toujours opportunément renaissant. Indispensable rappel pour justifier l’utilité des prébendiers du Système.

Térébenthine sait recycler. C’est durable

( à suivre... )

mercredi 30 octobre 2013

Soledad



Soledad - puisqu’elle avait décidé de s’appeler dorénavant Soledad – ne faisait pas les choses à moitié. Comme la nature, elle avait horreur du vide. Au fur et à mesure qu’elle se vidait la tête et les tripes des toutes ces conneries qu’elle avait cru être paroles d’Évangile, il fallait qu’elle les remplace pour éviter d’imploser, de s’effondrer sur elle-même. Chaque fois que le rideau du Temple se déchirait en dévoilant la vacuité d’une de ses anciennes certitudes, que ce soit sur la liberté, l’égalité, la xénophilie pathologique, l’internationalisme prolétarien ou l’avenir du socialisme, elle lui fallait regarnir les cases vides. Un peu comme la bourgeoise qui, ayant expédié le buffet Henri II de l’aïeule à la déchetterie, le remplace par du Roche-Bobois. Sauf qu’elle, elle faisait plutôt l’inverse.
Le buffet Henri II était moche et désuet, mais solide et massif il faisait de l’usage. Il n’était pas en agglo de trituration sous mince placage contrecollé et tape-à-l’œil à obsolescence programmée payé à crédit.

Le processus était toujours le même. Lorsque l’examen en vérité du réel qui l’entourait contredisait un article de la doxa, elle en cherchait la justification réellement crédible, que ce soit dans la prose gauchiste qu’elle connaissait par cœur ou dans la littérature établie. Et non seulement elle ne la trouvait pas, mais on ne lui proposait aucune autre option offrant un éclairage sur ses doutes. En désespoir de cause, elle osait alors franchir le miroir : Horresco referens, elle allait lire ce qu’en disaient les fascistes, identitaires, rétrogrades et assimilés. Et chaque fois, à sa grande surprise, elle y trouvait enfin son compte !

Petit à petit, au fil de ses découvertes, Soledad prenait aussi conscience de toutes ces petites choses dont on l’avait privée. Et notamment de la douceur de croire à l’Espérance, au Prince charmant, à la rencontre d’un homme, d’un vrai qui ait des couilles, à la volonté de fonder avec lui, au désir de porter du fruit, le fruit de leurs sèves…      

Mais elle n’en était pas apaisée pour autant. Car il n’y a que dans les contes de fées que la citrouille se change en carrosse sans laisser dans les coussins des graines de cucurbitacée qui rappellent son passé à l’épiderme de la jolie princesse nouvellement éclose…

Si elle aspirait à de nouveaux désirs de Vie, elle éprouvait aussi dorénavant une haine sans nuance pour tous ceux qui, depuis tant de lustres, avaient sciemment et méthodiquement construit cette fausse réalité augmentée hors sol où on les faisait vivre, elle et tous ses semblables. Et son sens du réel concret était trop aigu pour qu’elle se berce d’illusions : C’était foutu.

Elle était donc tiraillée entre un désir de tenter malgré tout de vivre une Espérance dorénavant irréaliste à ses yeux et celui, foutu pour foutu, de finir avec panache en posant un acte, inutile et désespéré, donc glorieux, en flinguant pour l’exemple la première de ces ordures qui lui tomberait sous la main…  

*

C’était le 16 Dix. Il tombait des cordes ce jour-là. Elle venait de déjeuner avec deux voisines de cours que la fac lui avait imposées comme partenaires pour rédiger un mémoire en commun. Rien n’aurait pu l’exaspérer autant que la vacuité des conversations de ces deux pétasses. Enervée, cherchant à protéger sa sacoche de la pluie tout en pianotant sur son Smartphone pour vérifier je ne sais quel horaire, elle jaillit de la brasserie pour se précipiter sans regarder vers la bouche de métro, aussi brusquement qu’un noyau giclant d’un pruneau pressé entre deux doigts.

Le type lui est rentré dedans. C’était imparable.
Sa sacoche tomba, s’ouvrit sous le choc et le contenu se répandit sur le trottoir trempé. Un gros bouquin s’esplartcha dans la flaque. Pour ne pas être en reste, ses feuilles de notes s’envolèrent, artistiquement mélangées, et virevoltèrent sous la pluie pour former au final un harmonieux éventail dans le caniveau…

Le type n’y était pour rien mais se montra d’une galanterie qui n’avait plus cours depuis longtemps. A la fois affreusement gêné et sincèrement navré il l’aida comme il put à ramasser les épaves éparses du désastre, puis lui proposa de retourner dans la brasserie prendre quelque chose de chaud et profiter d’un guéridon pour remettre de l’ordre dans ses affaires à l’abri de la pluie.
Soledad s’était toujours méfiée des mecs. Mais celui-là lui inspirait confiance ; elle ne savait pas pourquoi. Plus âgé qu’elle, il était beau gosse, vêtu avec recherche et visiblement friqué, mais ça n’avait rien à voir. Sous l’apparence d’un type à l’aise en société et sachant ce qu’il voulait, elle sentait confusément que c’était un grand timide, discret et préoccupé de lui rendre service sans arrière-pensée. Elle accepta sa proposition.
Il donna la pièce au garçon pour qu’il lui apporte un torchon propre avec lequel il aida Soledad à pomper l’humidité maculant ses feuilles de notes, avec discrétion en évitant de lire. Il avait pourtant vu le titre du gros bouquin qui aurait fait fuir le premier quidam venu. Et non seulement il n’avait fait aucun commentaire, mais il avait souri et eu du mal à retenir un discret hochement de tête approbateur. Il n’avait plus cessé ensuite de la regarder intensément…
Il paya les consommations - deux chocolats chauds à deux heures de l’après-midi ! - et ils se quittèrent très banalement, lui s’excusant encore, elle le remerciant pour tout.
Restés sur la réserve, ils n’avaient échangés que leurs prénoms…

*

Rentré chez lui, Schemeun réalisa qu’il avait passé toute l’après-midi à penser à cette fille. N’était-ce pas celle qu’il cherchait dorénavant ; la porte ouverte sur une nouvelle vie, celle qui oserait l’Espérance au point, peut-être, de porter le fruit de leurs sèves…
Il s’en voulait d’être aussi gauche, de n’avoir pas su être plus entreprenant, de l'avoir laissée partir…

Soledad ! Comment la retrouver ?
( à suivre...)   

mardi 29 octobre 2013

Au hasard du Pays perdu.



François n’arrêtait pas de penser à la fille.

En sortant du quai des Orfèvres, il décida de rentrer à pied. Une bonne heure de marche lui ferait du bien. Il  n’avait jamais autant regardé les jeunes femmes dans la rue, espérant confusément la revoir
Moins fatigué par la marche en soi que par l’épuisant slalom entre les touristes, livreurs et traîne-patins qui encombraient les trottoirs, il décida de faire un petit détour pour aller boire un café ; mais pas n’importe où…
La devanture n’était guère plus avenante que celle de l’épicier arabe du coin. La peinture écaillée laissait deviner que la taule s’était autrefois donné un genre de pub irlandais où l’on venait les soirs de matchs. Si les commerces qui marchent ont coutume de renouveler tous les quatre ans déco et agencement  pour regarnir leurs amortissements déductibles, ce n’était pas le cas ici. Les exploitants avaient fait d’entrée de jeu le minimum syndical et ça suffisait comme ça depuis au moins vingt ans. On distinguait encore l’ancien nom effacé, O’Looney’s, derrière l’enseigne actuelle : "Café du Pays perdu"…

François poussa la porte et entra. Il portait sa tenue de travail des jours où il mendiait mais c’était sans importance. Le taulier savait qu’il était propre, ne se saoulerai pas la gueule et avait de quoi payer ses consommations. 
Et puis, vu la clientèle, il ne faisait pas si tache que ça…

François était venu là pour reposer ses pieds, sans autre intention que de cogiter, seul et au chaud. Mais ça ne dura pas. Le hasard - mais est-ce le hasard - a voulu que Fabien entre alors, le voit, vienne le saluer et tout naturellement s’asseoir en face de lui. C’était le fils d’un ami de jeunesse. Le père et François s’étaient éloignés l’un de l’autre au fil de leurs ambitions de carrière, mais le fils conservait une amitié quasi filiale pour François qui lui avait beaucoup plus appris sur la vie que ses parents. Ils ne se voyaient pas souvent mais n’étaient pas du genre à n’avoir rien à se dire. La trentaine avancée et très dégarni, Fabien avait quitté ce qui restait de l’armée après un premier engagement. On ne savait pas trop ce qu’il faisait depuis. Il n’en parlait jamais et François se disait qu’il valait peut-être mieux ne pas savoir…

Fabien lui trouva l’air préoccupé, les yeux dans le vague et s’inquiéta de sa santé. François, lui, avait besoin de parler à quelqu'un, de parler de cette fille… Sans faire la moindre allusion à la rue Guy Môquet, il avait suffisamment d’imagination pour inventer une histoire un peu tirée par les cheveux mais somme-toute crédible justifiant qu’il cherchait à retrouver une jeune fille dont il ne savait rien. Sauf qu’il pouvait parfaitement la décrire. 
François fit alors à Fabien un portrait de la fille aussi complet que possible, de sa mèche à sa démarche. Le nez dans sa bière, Fabien écoutait attentivement François qui savait traduire en mots l'impression de volonté qui se dégageait d'elle. Il précisa pour conclure qu'il ignorait le son de sa voix. Puis, après un temps d'arrêt, il ajouta encore un détail oublié concernant ses sourcils qu’elle avait assez fournis.

Fabien releva alors la tête. "- Celle que tu décris me fais penser à quelqu’un !"

Il ne savait pas qui elle était ; il l’avait croisée deux ou trois fois ; il ne savait plus où mais François qui le connaissait bien sentait que peut-être il ne voulait pas dire où… C’était a priori une étudiante de dix-neuf ou vingt ans mais il ne savait pas en quoi ni où. Et il n’avait aucune idée de l’endroit où elle habitait. En tout cas, elle correspondait en tous points à la description de François !  

"- Comment s’appelle-t-elle ?"

"- Je l’ignore. Mais son prénom c’est… attends… oui, c’est ça : Soledad !"

"- Et pour le peu que tu dis l’avoir aperçue, tu en dirais quoi ?"

"- Elle est givrée…" 
( à suivre... )        

lundi 28 octobre 2013

Etranges lectures...



Sans se faire trop d’illusions, Galipoff s’était astreint à réinterroger tous les témoins présents sur la scène de crime. Après avoir subi le torrent de jérémiades des deux africaines, des régularisées parfaitement intégrées, l’une serveuse de cantine scolaire et l’autre assistante maternelle, il leva une paupière quand le jeune commerçant chinetoque évoqua le chouraveur à capuche dont la présence l’empêchait de regarder dehors. Pourrait-il s’agir d’un complice étant là pour s’assurer que le travail allait bien se faire ? Le portrait-robot établi avec l’aide du Chinois ne donna rien… D’ailleurs, il comptait beaucoup plus sur l’interrogatoire de François Réséda qu’il savait intelligent et bon observateur de la vie de la rue.

François appréhendait cet entretien avec Galipoff qui était un type futé. En s’y rendant, il se remémorait son premier témoignage et n’était plus sûr d’avoir dit remarquer les deux négresses avant. Il ne fallait pas qu’il se contredise et puisse lui faire admettre qu'il n'avait pas regardé du côté où était la fille. Mais il se demandait toujours pourquoi il agissait comme ça…
L’interrogatoire suivit la procédure mais de façon décontractée ; ils se connaissaient.
"- Et à part ça, tu n’as pas vu passer une jeune femme ?" Galipoff venait de sauter du coq à l’âne en le regardant droit dans les yeux. "- Non !" François n’avait ni cillé ni rougi mais sa chemise était brusquement devenue humide au creux des reins… Galipoff n’insista pas. En le raccompagnant dans le couloir, chose inhabituelle avec les témoins, il lâcha "- Tu y crois, toi, à ce que disent les journaux ?" François fit une moue dubitative sans répondre. Ils se regardèrent. Ils se comprenaient…

Les enquêtes sur les relations, les affaires et la vie de Sweborg comme la fouille minutieuse de son luxueux appartement laissaient Galipoff perplexe.
Pour le volet financier, tout était kleen et tiré au cordeau. Des arbitrages de placements intelligents et des risques calculés, toujours judicieux et légaux pris par un type compétent qui, de ce côté-là, savait parfaitement où il allait. C’était donc dans l’épluchage de ses relations et de sa vie quotidienne que Galipoff mettait tous ses espoirs.  
   
Ses fichiers, carnets d’adresses et autres agendas comme le relevé de ses communications ne donnaient rien. On n’y trouvait que ses banquiers, assureurs, fournisseurs, médecins, livreurs de pizzas et femme de ménage qui, tous, furent cuisinés sans résultat. A part ça, pas de femmes et, curieusement, même pas de mecs. Comme si ce type ne vivait pas...  
Son vaste salon et sa riche bibliothèque ressemblaient à un décor de film : Tout y était à sa place. Pas une revue qui traîne, des bibelots de prix et des rayonnages de livres d’art auxquels il n’avait manifestement pas dû toucher depuis des années. Le tout égayé par un petit bouquet de fleurs que la femme de ménage avait instruction de renouveler. Galipoff nota qu’on n’y trouvait strictement rien pouvant rappeler le souvenir de Paul Gerbé…

Le plus étrange, voire incompréhensible si l’on songe à son passé, c’était son bureau où régnait un relatif désordre. On y trouvait en effet toutes sortes de bouquins en version papier commandés à l’étranger par internet. Il devait lire beaucoup et principalement des livres que l’on n’éditait plus en France depuis longtemps. Ça allait d’ouvrages d’historiens inconnus comme un certain Chaunu à un roman de fiction au titre bizarre : Le camp des saints. Il y avait aussi les œuvres complètes d’un dénommé Renaud Camus rééditées dans l’Etat autonome de Nord-Ecosse. Celui-là était mort en exil et Galipoff en avait entendu parler car un député d’EUV (Empathie Universelle Végétalienne, éphémère avatar avant prochaine scission de l’EELV historique) avait récemment évoqué ce type en défendant une proposition de loi. Vite enterrée en commission, elle visait à rétablir la peine de mort pour les incitations au racisme.  

Schemeun Sweborg, LE giton crépusculaire DU Paul Gerbé lisait ce genre de trucs ! Galipoff se mit à rire en pensant aux émois de Térébenthine Duclos-Cantamerlo, chef suprême de toutes les polices…

Il réfléchissait à cette énigme dans son bureau lorsque l’expert lui apporta enfin l’analyse du disque dur de l’ordinateur de Schemeun.  Galipoff se mit alors à dérouler machinalement les opérations dont la bête avait gardé les traces et où l’homme de l’art n’avait rien repéré de suspect.

Brusquement, il se raidit. L’avant dernière nuit avant le meurtre, Sweborg avait consulté tous les annuaires téléphoniques et fait des recherches sur Google. Il en avait fait défiler des pages et des pages en ouvrant de temps en temps des liens. Il avait dû y passer des heures.
Et cela toujours avec la même requête sur un seul mot-clef : "Soledad"…    
( à suivre... )