"Si la capacité des cons à s'auto-éliminer ne doit pas être négligée, la volonté effarante du monde moderne et de l'Etat-providence à les sauver rend vain tout espoir de sélection naturelle"

"Il y a deux aristocraties : celle du haut et celle du bas. Entre les deux, il y a nous, qui faisons la force de la France.

mardi 22 octobre 2013

On n'enfume pas Galipoff...



Galipoff mâchouillait le chewing-gum écœurant qui lui permettait de supporter ces longues journées sans clopes. Au siècle dernier, le commissaire Maigret était inséparable de sa pipe à la télé. C’est à ce genre de détail qu’on mesure le chemin parcouru sur la voie du Progrès.
Fumer était maintenant interdit partout, hormis au domicile de l’intoxiqué à condition qu’il soit équipé d’une VMC dotée d’un filtre spécial. Même au grand air à la campagne, on ne pouvait pas fumer à moins de 50 mètres d’une habitation, d’un bâtiment agricole ou d’un champ cultivé.  Les fumeurs ne pouvaient plus souscrire d’assurance-vie mais il s’en foutait, n’ayant ni enfants ni besoin de crédit immobilier. Il payait la majoration tabagique aux assurances sociales et à la taxe carbone ainsi que la contribution spéciale de solidarité au plan cancer. Ça lui donnait droit à la "carte T", biométrique et mieux sécurisée que la carte Vitale. Elle était indispensable pour pouvoir acheter des clopes chez le buraliste qui tenait un registre plus contrôlé que celui des pharmaciens. Mais, comme tout le monde, il ne s’en servait pas, n’achetant ses clopes qu’en contrebande. D’ailleurs, les buralistes n’étaient plus que des marchands de bimbeloterie vendant les timbres-amendes et les tickets à gratter. Quant aux taxes pharaoniques sur les clopes, elles ne rapportaient plus rien à l’Etat. Il prenait quand-même la carte pour pouvoir l’exhiber en cas de dénonciation par un voisin gêné de l’apercevoir fumant derrière ses rideaux empuantis d’odeur de tabac…
Il avait hâte de rentrer s’en allumer une dans le deux-pièces qu’il habitait depuis qu’il s’était dépacsé d’avec Samantha. Elle l’avait quand même supporté six ans - un record - après qu’il ait divorcé. Son divorce lui avait d’ailleurs coûté la peau des fesses. C’était parti pour une séparation amiable mais ça s’était terminé à ses torts exclusifs. Car pour pouvoir arracher à sa cliente un doublement de ses honoraires, l’avocat de sa femme avait invoqué son tabagisme en glissant sur le fait qu’elle fumait aussi. Et son propre baveux, ce con, n’y avait vu que du bleu…

Galipoff mâchait donc son chewing-gum devant l’écran affichant les titres des journaux. Les communicants du Ministère avaient bien travaillé : Le Cosmos évoquait la noble et jeune figure de Schemeun Sweborg, "sans doute tué en tant que symbole incarnant la lutte pour la liberté intergénérationnelle des sens"…  Le Parisien Diversifié titrait carrément "Qui a voulu tuer une 2° fois Paul Gerbé ?", comme si celui-ci n’était pas mort de vieillesse dans son lit… Il sourit en notant qu’aucun article n’évoquait  l’éjection de Sweborg par la Fondation ni les gros titres de l’époque l’accusant "de protéger le SS Baltchukovic"…   
Il ferma toutes les fenêtres de pixels et réfléchit devant l’écran de veille débile où picoraient des petits oiseaux.  Il regrettait le précédent à la plantureuse bimbo à poil, façon calendrier pour camionneurs, mais il avait dû le virer, une note de service ayant repris une observation de la sous-commission du CHSCT en charge de la vigilance contre le harcèlement sexuel.

Galipoff n’était ni un aigle ni un foudre de guerre. Mais depuis l’instauration de quotas de diversification républicaine pour intégrer l’école de Saint-Cyr-au-Mont-d’Or, il avait pris toute sa place à la Crim’ puisqu’au pays des aveugles les borgnes sont les rois.

S’être vu confier ce dossier ne lui plaisait guère. Il sentait bien que c’était foireux.

Pour lui, l’affaire se présentait ainsi :

Deux bastos direct dans le caisson, toutes deux mortelles et pas une balle perdue. Tout ça dans la rue à une heure passante avec des témoins. Un tueur assez maître de lui pour agir et disparaître avec ses douilles sans que personne n’ait pu le décrire. Forcément un "pro" qui exécutait un contrat.

Les pistes suggérées avec insistance par le ministère, c’est bidon. La vengeance a beau être un plat qui se mange froid, ce n’est pas en fouillant dans toutes ces merdes remontant à plus de sept ans, voire vingt, qu’on trouvera le fil. Les guignols de l’esstrême drouâte et cathos encore valides n’ont ni le fric ni le carnet d’adresse pour envoyer un tueur professionnel flinguer un type qui se tient à carreau depuis sept ans. Il faut chercher dans la vie du mec depuis, en commençant par ce qu’on trouvera de plus récent. D’autant plus que, pour le peu qu’on a pu tirer des témoins, il semblerait que l’assassin pourrait être une femme !

Bon, on va quand même faire plaisir à la ministre. Les gars vont triturer tout ce qui a été écrit contre Gerbé du temps de sa splendeur. Ça les occupera et leur fera des heures sup’. Avec ça, ils pourront aller faire le tour des anciens blogueurs réacs, ça ne mange pas de pain. En compilant leurs rapports de visites domiciliaires, ça nous fera au moins un guide touristique des EHPAD. Ce sera toujours ça…

Pour le reste, c’est-à-dire pour l’enquête sérieuse, je vais m’y mettre personnellement. Et commencer par le commencement. Ce Sweborg, comment vivait-il et qui voyait-il ces derniers temps ?
( à suivre... )

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire