"Si la capacité des cons à s'auto-éliminer ne doit pas être négligée, la volonté effarante du monde moderne et de l'Etat-providence à les sauver rend vain tout espoir de sélection naturelle"

"Il y a deux aristocraties : celle du haut et celle du bas. Entre les deux, il y a nous, qui faisons la force de la France.

mercredi 5 novembre 2014

Madame Wu et autres figures de mémoire…



Je suis passé chez elle hier. Madame Wu me fascine. D’abord parce qu’elle ne s’appelle pas Madame Wu. Encore que je n’en sais rien ; j’ai entendu un jour une de ses employées l’appeler par son nom, je ne m’en souviens plus mais à mon oreille ça sonnait quelque chose comme ça.

Madame Wu, disais-je, me fascine. C’est une façon de parler. Madame Wu tient commerce de bon aloi dans une spécialité que je ne nommerai pas (ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit, hein !), dans une ville que je ne nommerai pas. Sa boutique à l’aspect sérieux et sans clinquant excessif est située de façon optimale dans une rue passante de centre-ville. Ouverte à toutes les gammes de chalandises, son business m’a l’air de marcher du feu de Dieu. Ayant l’œil partout, sachant au premier coup d’œil discerner au-delà de l’aspect d’ensemble et des souliers le client intéressant avec qui on va marger grave, elle n’est pas du genre à trôner plantée derrière sa caisse comme une commère de Faizant (mais c’est bien elle qui la tient et elle est toujours là) Je n’ai pourtant que rarement l’occasion de voir Madame Wu ; moins d’une fois par an en fait. Il est vrai que depuis que Madame Plouc m’a exonéré d’une ligne au budget fiscalement qualifié de "présents d’usage", je n’ai plus guère d’occasions d’aller chez Madame Wu, sinon pour y renouveler de loin en loin un "consommable" valant dans les 12 €…
Quand j’en ai l’occasion, je m’efforce d’aller chez elle à une heure de pointe. Faire la queue me permet de l’observer à mon aise et plus longtemps. Car Madame Wu me fascine.

Bien que désormais sans doute quinqua plutôt que quadra, elle ne change pas. Asiatique comme son nom l’indique, Madame Wu a dû, plus jeune, être une parfaite incarnation d’une Suzie Wong à faire se damner tous les rosbifs des colonies et marins de la rade. Aujourd’hui, les fourreaux noirs qui la sculptent toujours à la perfection doivent être fendus moins haut sur la cuisse (la peste soit du comptoir) et je les imagine avec un grand dragon brodé dessus au fil de soie… Mais Madame Wu n’est pas du tout le genre entraîneuse de bar reconvertie mère maquerelle. S’exprimant dans un français d’un grand classicisme, avec ce qu’il faut de distance et de fermeté avec ses employées et… les clients, avec aussi un je-ne-sais-quoi de cruauté dans le regard, je la vois très bien grande maîtresse de Triade, une bague à chaque doigt, un doigt dans chaque pays, avec salles de jeux et fumeries d’opium au fond des yeux…  

Il y a comme ça des personnes qui vous font fantasmer sans qu’on sache bien pourquoi. Quand je dis fantasmer, on se comprend, hein ? Ce verbe du premier groupe est devenu le signifiant de tout et de n’importe quoi. Disons, au sens propre, des personnes qui vous font rêver de ou a quelque chose ; ce qui peut (me) conduire parfois à réfléchir et à méditer sur le réel.

Au chapitre de la méditation, justement, il y a un autre personnage bien différent qui m’a longtemps fasciné. C’était un coiffeur. Un coiffeur pour dames… Il officiait dans une station huppée, où c’est qu’y vont les snobs friqués. Madame Plouc (je précise) n’était pas cliente et, perso, je ne suis jamais entré dans son salon. Celui-ci ouvrait sur une sorte de rond-point au cœur d’une galerie marchande confortablement chauffée en hiver. Entre deux vastes vitrines où rien de superflu n’arrêtait l’œil, la porte restait ouverte en permanence sur un espace clinquant plus éclairée qu’une scène de music-hall. Je ne saurais dire si c’était dû à un souci de transparence aujourd’hui à la mode ou à celui de se faire voir. J’ai ma petite idée…   
Virevoltant autour de clientes de tous âges ensachées dans les blouses de rigueur en ces lieux, un essaim de toutes jeunes et agréablement carrossées shampouineuses, manucures et autres assistantes portaient toutes des sortes de liquettes, blanche pour marquer le sérieux de la Maison et ourlées au raz du moteur pour en marquer le… standing.
Eh bien non ! Qu’allez-vous croire ? En dépit de mon indécrottable hétérosexualité, si je faisais chaque fois que possible un détour pour passer devant, si j’aurais voulu pouvoir apporter un pliant et m’installer, le dos contre la vitrine du chausseur d’en face, pour contempler toussa plus à mon aise, ce n’était pas pour le petit personnel oh combien attrayant. C’était pour… le Patron !

Imaginez un type d’une soixantaine d’années, morphologie genre Falstaff sans muscles, la tignasse de F-O Gisbert en version gris décolorée-teintée blond-roux, ripoliné aux cosmétiques, bronzé sous lampes couleur pain cuit au carotène, avec les rides du tropézien d’adoption ravagé par les excès et rôti au soleil H24-7/7, en sandales nu-pied toutes-saisons, bras nus aux triceps flasques, vaguement vêtu d’une blouse qui tenait plutôt de la toge de sénateur romain…  
Avec une gestuelle de danseur étoile, les mains féminines aux doigts bagousés de l’artiste s’activaient, penché sur les têtes de plantes vertes souvent fanées, passant sans cesse de l’une à l’autre en leur susurrant dans la nuque le mot qui convenait à chacune…  

Je voyais en ce type une parfaite synthèse incarnée de la décadence de l’Empire Romain et les fugaces mais récurrentes visites que je lui rendais en toute discrétion nourrissait ma méditation. Mais c’était au cours des eighties du précédant siècle et je n’avais encore rien vu…  

Ah oui ! À propos de figures de mémoire, encore un truc :

Son fichier n’étant toujours pas à jour, l’UMP départementale s’est souvenue hier soir de moi pour m’inviter avec insistance à la messe célébrée dimanche prochain comme chaque année à Fourvière à la mémoire
"du Général de Gaulle et des maréchaux de la guerre 39-45"
Et hier soir sur Public Sénat, Gérard Larcher a rappelé au moins six fois qu’il était gaulliste

Par les temps qui courent, certains se raccrochent à ce qu’ils peuvent…

5 commentaires:

  1. Qui a dit que Falstaff avait des muscles? Votre description évoque le physique d'un eunuque.

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    1. Exact ! Bon, je garde Falstaff qui m'est venu comme ça mais enlève "les" (sans les muscles)

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  2. Le triceps flasque communément appelé "cou du dindon".
    Très disgracieux s'truc là, m'ferez 200 pompes tous les jours Falstaff !

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    1. kobus van cleef09/11/2014 11:56

      Il est préférable d'avoir un cou du dindon qu'être le con du dindu, trouvez pas ?

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  3. "c’était au cours des eighties du précédant siècle et je n’avais encore rien vu…"
    Peut-être nous raconterez-vous ce que vous avez vu après.
    La description du coiffeur m'a enchantée.

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