"Si la capacité des cons à s'auto-éliminer ne doit pas être négligée, la volonté effarante du monde moderne et de l'Etat-providence à les sauver rend vain tout espoir de sélection naturelle"

"Il y a deux aristocraties : celle du haut et celle du bas. Entre les deux, il y a nous, qui faisons la force de la France.

samedi 15 août 2015

Leçon de choses…



Josiane aurait pu être une copine sympa. Mais ce qui casse l’ambiance avec Josiane, c’est son esprit de sérieux. C’est ce qui la distingue de Juliette. Juliette, elle, se marre pour la moindre bêtise. Au lycée, pendant les "travaux pratiques" du cours qui s’appelait encore Sciences Nat’, lorsqu’apparaissaient les petites joyeuses de la souris mâle disséquée sur la paillasse, Juliette gloussait en poussant Josiane du coude. Et Josiane, ça l’énervait plutôt…
Aujourd’hui, Juliette est toujours aussi enjouée. Je crois qu’elle est shampouineuse ou quelque chose de ce genre chez Alexandre. Elle y bosse plus pour la conversation que pour les fins de mois, son mec étant chef d’atelier chez le concessionnaire Volvo qui marge à mort sur les révisions. Ils ont un coquet pavillon à rembourser sur trente ans pas loin de la gare du RER. Juliette lit Gala et regarde le cabaret de Patrick Sébastien le samedi soir à la télé. Aux élections locales, elle s’abstient ou vote pour le maire en place, un beau gosse socialo-mais-pas-trop qui cause bien. Aux élections nationale, elle s’abstient ou vote pour l’étiquette FN histoire de faire comme son mec ; c’est important la paix dans les ménages…

Aujourd’hui, Josiane a réussi. Elle est prof de SVT et élue déléguée SNES au collège Nelson Mandela. Elle fait aussi du bénévolat chez ESF qui n’a rien à voir avec l’ESF de nos classes de neige où j’étais encore trop boutonneux pour oser draguer Juliette. Josiane est une femme libérée – enfin, c’est ce qu’elle dit à ses collègues féminines à la machine à café ; jamais dans la salle des profs où, croit-elle, il pourrait venir à un collègue masculin l’idée loufoque de la mettre au pied du mur "où c’est qu’on voit le maçon" comme dirait Juliette… Ceci-dit, il faut reconnaître que Josiane a toutes les qualités. Toujours prête à rendre service, c’est elle qu’on vient voir pour corriger les fautes d’orthographes des tracts et communiqués du syndicat, du collectif spontané des élèves et de toutes les sections locales des assocs’ féministes, écologistes, LGBT, végétariennes, de défense des bébés phoques, etc. Elle en est très fière… Faut dire aussi qu’elle est imbattable pour repérer les substantifs et adjectifs que les rédacteurs omettent de doubler ou compléter pour qu’ils se lisent sans doute possible et expressément successivement au masculin et au féminin.
Josiane a donc une vie bien remplie. Une vraie vie sociale. Ou plutôt sociétale comme on dit. Une vie avec plein de mots dedans : "migrants", "diversité", "Gaza"… Des trucs que ça t’interpelle au niveau du vécu, tu vois…  Bref, Josiane est une personne respectable et respecté ; au moins dans la salle des profs et à la maison de quartier ; c’est bien. Ce n’est pas comme cette pauvre Juliette, un simple numéro métro-boulot-dodo tout juste bonne à se faire esquicher les pieds et les rondeurs deux fois par jour dans le RER…

Josiane ne voudrait pour rien au monde avoir la vie de cette pauvre Juliette. Elle se souvient avec épouvante du jour où elle avait rencontré son ancienne voisine de classe venue faire des courses dans le quartier avec son mari. Juliette le lui avait présenté ainsi "C’est mon mec, j’suis sa gonzesse !" Elle avait dit ça avec fierté ! Même pas honte ! Josiane avait été horrifiée. Il est vrai qu’elle avait fait à la fac un mémoire très remarqué, très critique et définitif sur toutes les formes de puritanisme…
Bien sûr, on se doute que chez Juliette, il doit arriver parfois que les assiettes volent bas dans la cuisine Conforama. Mais l’oreiller a toujours ensuite des vertus évangéliques que l’on n’apprend pas dans les IUFM…

Josiane, elle, ne risque pas de sombrer dans les névroses et les dérapages d’une telle vie étriquée de Dupont-la-joie. Elle est libre. Bien sûr, après ses 35 heures d’action sociétale, quand elle se caresse la motte dans sa solitude vespérale, il lui arrive parfois de rêver être derrière les poubelles du Restau du Cœur en train de se faire mettre par tous les vérolés du Congo… Mais les fantasmes c’est très perso et ça ne se raconte pas, n’est-ce pas ?  

Ah oui ! Au fait. Pourquoi voulais-je vous causer de Josiane aujourd’hui ?

J’ai oublié de vous dire que Josiane est professeureue principaleue de sa classe. Investie de cette mission essentielle - et pour la plus grande joie des autres profs - elle s’était arrogée la charge d’assurer le programme d’instruction civique de prise de conscience citoyenne. Pour tenter d’intéresser un tant soit peu ses élèves de 4° à la chose, en écolo convaincue, Josiane s’évertue toujours à faire des parallèles entre les merveilles de la citoyenneté et les réalités des sciences naturelles qu’elle leur enseigne tout au long de l’année. Pour ce faire, elle part évidemment d’une image qu’elle juge appropriée au thème traité.

Hier, son topo sur le thème à aborder en classe ce matin était prêt, ficelé et elle aurait dû être contente d’elle. Ben non. Après avoir brassé Google-images sur trente-six mots clefs, elle n’avait toujours pas trouvé dans la nature l’image illustrant à la perfection cette demi-heure de prise de conscience citoyenne…   Elle s’en était donc ouverte à la salle des profs pour solliciter des pistes…       

Eh bien figurez-vous qu’un de ses collègues, ce con de Benoît, celui qui est toujours un peu à part et dont on se méfie, lui a alors passé une photo en lui disant qu’il la connaissait suffisamment pour savoir qu’elle saurait montrer avec brio en quoi la photo validait le thème et l’illustrait à la perfection…

Josiane est rentrée chez elle pour examiner ça. Ce matin on ne l’a pas vue ; elle a envoyé un arrêt de travail. On ne sait pas trop ce qu’elle a. Sa concierge n’a pas très bien compris ce que marmonnait le toubib d’SOS Médecins en redescendant l’escalier : Il était question d’un caméléon qui se serait endormi sur un plaid écossais ou quelque chose comme ça…

Ah oui ! J’oubliais. Le thème c’était :

Repli sur soi et peur de l’autre = mort du Vivrensemble™

Et la photo de Benoît :


On est toujours sans nouvelles de Josiane.

Juliette va bien. Merci.

3 commentaires:

  1. Quand on pense que si tous ces poiscailles se coalisaient, ils mettraient ces squales en charpie en deux temps trois mouvements...

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  2. kobus van cleef16/08/2015 12:21

    j'ai quand même du mal à croire que vos efforts avec juliette ( en espagnol "ruliet' ") n'aient pas été couronnés de succès

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