J’éprouve un peu de déception à voir la façon dont le cas Frédéric Mitterrand a envahi les média. Car il ne s’agit pas seulement de morale en politique et de morale tout court mais aussi de gouvernance pour le Bien Commun.
Le gouvernement de la France n’est pas une rigolade entre copains cooptés par affinités de milieu.
Gouverner est une affaire sérieuse et, à cet égard, en se focalisant sur la personnalité de Frédéric Mitterrand, on occulte un "incident" qui est exemplaire de la gravité de la situation où nous sommes. Certes, les hommes politiques sont aujourd’hui soumis à une pression insupportable qui les oblige à avoir "en temps réel" un avis sur n’importe quel fait divers. A cet égard, les exemples abondent mais n’excusent rien à un tel niveau de responsabilités (et encore moins quand, en matière d’excuses, certains sont manifestement "plus égaux que d’autres" )
J’ignorais tout de cette "autobiographie-confession" de Frédéric M, n’étant pas attiré par ce genre de prose qui, quel qu’en soit le propos, se résume généralement à la complaisante auto-célébration de l’auteur avec parfois un côté masturbatoire assez déplaisant.
Mais le "buzz" actuel sur ce personnage se révèle bien pratique pour occulter sa réaction en sa qualité de Ministre au cas Polanski : à la télé, sur fond des ors de la République, j’aurais cru la Patrie en danger… Cependant n’est pas Malraux qui veut et le ministère de la culture s’est progressivement dégradé en une sorte de guichet dédié à la préservation des intérêts corporatistes de la "Réunion des Artistes Subventionnés". En outre, son titulaire actuel n’est guère qu’une sorte de bouffon du roi. Bref, ses propos n’ont guère d’importance au-delà, au mieux de la Cour, au pire des frontières de l’Hexagone…
En revanche, et comparativement, je suis scandalisé par le silence assourdissant qui entoure la prestation de M. Bernard Kouchner. J’ai été sidéré par son interview du même jour par France Inter. Voilà que j’entends le Ministre des Affaires Etrangères, l’homme qui représente la France à l’étranger et qui gère au quotidien notre diplomatie (!) dénoncer es qualité des décisions de justice internes aux USA et à la Suisse, décisions jugées par lui inacceptables, scandaleuses et à tout le moins ridicules. Et cela en allant jusqu’à suggérer implicitement des doutes quant au statut de Démocratie et d’Etat de Droit de ces deux pays amis (dont l’un, qui plus est, est notre allié le plus "consistant", sinon le plus facile…)
BK n’a pas agi en ministre de la République. Il s’est servi de sa position pour réagir en un reflex pavlovien comme porte-parole du microcosme " intello-culturello-médiatico-people" outragé à l’idée qu’on puisse oser chercher noise à un des siens, quelles que soient ses fautes. Et çà, c’est un abus de pouvoir et un dévoiement de la fonction. Nombreux sont nos maires se défonçant pour leurs communes qui se voient taxés d’abus de pouvoir ou de "prise illégale d’intérêt", désignés à l’opprobre public et limogés pour bien moins grave que çà… Sans parler de tel ministre (pas des mieux introduit dans le "milieu", il est vrai…) démissionné pour cause de logement jugé trop onéreux pour loger sa famille (très) nombreuse…
J’ai la faiblesse de croire qu’avec un De Gaulle, un Pompidou ou encore un François Mitterrand (avec un Giscard ou a fortiori un Chirac, j’ai des doutes…) le sieur Kouchner aurait été invité dès le lendemain à remettre sa lettre de démission à l’Elysée…
Être gêné, choqué, scandalisé (au choix) par la personnalité de Frédéric Mitterrand me paraît la moindre des choses. La moindre, en effet. Mais elle est bien pratique pour zapper sur le fait déclencheur de ce "buzz" : sa réaction à l’arrestation de Polanski. Là, Kouchner est dans le même cas, en plus grave. Mais on l’oublie. Car dans son cas, il n’y aurait pas d’antécédents sulfureux à sortir pour faire écran de fumée, polluer les commentaires et éviter opportunément d’en tirer les conclusions qui s’imposent…
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