Si la France n’est pas encore tout à
fait "à la ramasse", à force d’être "à la remorque" de "l’Etat
profond" US motorisé par Davos, Soros et Cie, elle y va tout droit. On le
craignait et depuis hier c’est fait : Macron nous a fourré dans la
seringue sans nous demander notre avis. On ne pourra donc en sortir que par l’aiguille,
courte giclée de fines gouttelettes dispersées par le vent... C’est physique, There
Is No Alternative !
Nous avons donc roulé les mécaniques
et claqué un paquet de fric pour "figurer" auprès de nos "alliés"
en tirant 12 des 107 missiles balancés hier sur la Syrie. Des "frappes
circonscrites" qu’il a dit Le Drian. Comme un dessin humoristique le
faisait dire l’an dernier à Poutine : "- On ne gagne pas une guerre
avec de petites frappes…" Mais je m’égare.
Je ne rigole pas. La bêtise, le
suivisme et l’absence de prospective sont toujours les maître-mots du néant de
notre politique étrangère. Et je tiens à relayer ci-après (très légèrement contracté) le billet publié ce matin par Jacques Sapir :
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« Stupidité ; c’est le mot qui semble le plus
approprié pour décrire la frappe par missiles de croisière sur la Syrie à
laquelle se sont livrés dans la nuit de vendredi à samedi trois pays, les
Etats-Unis, la Grande-Bretagne et – hélas – la France. Cette frappe n’a eu,
semble-t-il, que des effets très limités. Les gouvernements syrien et russe
n’annoncent aucune victime. Ainsi, “selon des informations préliminaires,
aucune victime [n’est à déplorer] au sein de la population civile ou de l’armée
syrienne“, a déclaré un porte-parole de l’armée russe. Il est clair que
cette frappe ne changera pas un iota dans la politique de Bachar-el-Assad.
Stupidité tactique
Relevons tout d’abord que, dans ses objectifs, cette frappe
semble avoir été très limitée. On ne parle que d’un centre "clandestin" d’armes chimiques (ou supposées telles) et de deux lieux
de fabrication. Les installations directement militaires, et où se trouvent
de nombreux soldats russes, semblent avoir été soigneusement évitées. Les
derniers contacts entre Macron et Vladimir Poutine semblent avoir eu pour but
de confirmer aux russes qu’ils ne seraient pas visés. Cela démontre un effet de
dissuasion certain de la présence russe face aux Etats-Unis et à leurs alliés.
Cet effet sera certainement noté par différents observateurs et par des pays
qui sont susceptibles de devenir des cibles de la puissance des Etats-Unis.
Il faut ensuite revenir sur le chiffre – hypothétique
– de 71 missiles abattus sur 103. La défense anti-aérienne russe n’est pas
entrée en action, car les troupes russes n’étaient pas susceptibles d’être
visées. Ce chiffre est extrêmement élevé, et ce même s’il devait être réduit à
une quarantaine de missiles, par rapport aux capacités des systèmes de DCA dont
l’armée syrienne est équipée. Ces systèmes sont des armes achetées du temps de l’Union
soviétique, ou qui en sont largement dérivées. S on peut raisonnablement penser
qu’elles ont été modernisées dans le cadre d’accords avec la Russie, cela reste
insuffisant pour expliquer cette forte proportion d’interceptions et de
destructions, chose dont l’armée Syrienne n’avait pas été capable jusque-là. Il
est possible que les troupes russes, qui disposent de systèmes de détection et
de désignation de cibles sophistiqués en Syrie, aient transmises des
informations à la DCA syrienne lui permettant d’intervenir avec une efficacité
étonnante à priori. Cela expliquerait le nombre important d’engins détruits.
Ces engins, que Donald Trump décrivait dans un tweet
comme "beaux et intelligents", coûtent chers. Un missile britannique
de type Storm Shadow est estimé à 800 000£. Si, pour faire exploser sur
des cibles 32 missiles on doit en perdre 71, autrement dit si le taux de
réussite n’est que de 31%, on s’interroge sur la capacité de pays comme les
Etats-Unis et leurs alliés à mener une campagne de désarmement (comme celle menée contre l’Irak en
2003). Pour qu’une telle campagne soit
efficace, il faut compter plusieurs centaines de missiles atteignant leurs
cibles (de 400 à
1200 suivant la complexité du système de défense du pays). Cela reviendrait à tirer de 1300 à 4000 missiles,
dans le cas d’une défense qui n’est clairement pas à la pointe du progrès, soit
une dépense de 1,6 milliards de dollars à 4,8 milliards de dollars. On le comprend
aisément, l’efficacité supposée de la DCA syrienne remet en question le modèle
économique des frappes aériennes, modèle qui celui sur lequel les Etats-Unis
vivent depuis la "guerre du Golfe" en 1991. Ils auraient fait par
cette frappe, aidés par la Grande-Bretagne et par la France, la démonstration
que leur modèle d’action militaire est ainsi périmé. S’ils croyaient rétablir à
leur profit une forme de dissuasion, c’est évidemment raté ! Les trois pays ont
en réalité affaibli leurs positions sur la question de la Syrie, et c’est une
évidente stupidité.
Stupidité stratégique
Mais, les conséquences de cette frappe vont
naturellement plus loin. Jean-Luc Mélenchon a ainsi twitté : “Les frappes
contre la Syrie se font sans preuve, sans mandat de l’ONU et contre elle, sans
accord européen et sans vote du Parlement français” (…) C’est une aventure de
revanche nord-américaine, une escalade irresponsable“. Et c’est là l’aspect
peut être principal. Une frappe militaire est un acte de guerre. Cet acte doit
être encadré par le droit international ou alors cela signifie que la loi du
plus fort et la seule valide. Aujourd’hui, les preuves de la réalité d’une
attaque chimique et de la responsabilité du régime de Bachar-el-Assad n’ont pas
été fournies. Compte tenu du lourd passif de mensonges et de manipulations des
dirigeants des Etats-Unis et de la Grande-Bretagne, nul ne peut être cru sur
parole.
En décidant de commettre cette frappe de manière
unilatérale et sans mandat, les dirigeants des trois pays concernés,
Etats-Unis, Grande-Bretagne et France ont fait la démonstration du peu de cas
qu’ils font du droit international et des Nations-Unies. Cela ne peut que
renforcer toute une série de pays dans leur résolution à se doter de l’arme
nucléaire afin de se préserver d’actions de cette nature. En d’autres termes,
Donald Trump, Theresa May et Emmanuel Macron viennent de confirmer que la
prolifération nucléaire est, pour certains pays, un choix logique et
inévitable. Or, il convient de préciser que, outre les puissances nucléaires "légales",
sont déjà en possession de l’arme nucléaire Israël (avec de 200 à 250 têtes), l’Inde, le Pakistan et la Corée du Nord. Cette
frappe va donc conforter non seulement les dirigeants de ces pays dans leurs
choix mais aussi persuader d’autres, et l’on pense à l’Iran, à l’Arabie
Saoudite, mais aussi à l’Algérie, à la Turquie, et à un certain nombre de pays
d’Asie qu’ils doivent imiter les pays "proliférateurs". Ne pas se
rendre compte de cela est bien faire preuve d’une incroyable stupidité
stratégique.
La frappe décidée par Donald Trump, Theresa May et
Emmanuel Macron ne rendra pas le monde plus sûr ni plus juste. C’est en réalité
tout le contraire. Elle accroit les risques d’instabilités internationales et
plonge un peu plus le monde dans le chaos. Ce n’est plus simplement de la
stupidité stratégique, mais de l’irresponsabilité crasse.
Cette frappe a été décidée pour des raisons sans doute
différentes et divergentes par les trois dirigeants qui en portent la
responsabilité. Les Etats-Unis pourraient bien considérer qu’il s’agit d’une "salve
d’adieu" et se décider à abandonner le terrain Syrien. La Grande-Bretagne
alors suivra. La France, elle, se retrouvera dans une situation plus que
délicate, s’étant compromise avec les Etats-Unis, ayant perdu ce qui faisait sa
crédibilité et son honneur sur la place internationale, en particulier la défense
des principes du droit international et de la souveraineté des Etats. Très
clairement, la France est le pays qui a, et de loin, le plus à perdre
dans cette affaire.
Qu’Emmanuel Macron ne l’ait pas compris est bien la
preuve qu’il n’entend rien à la politique étrangère et qu’il se révèle inapte à
sa fonction, tout comme l’avait été son prédécesseur, François Hollande. »
Jacques Sapir
14 avril 2018
Publié sur son blog "Russeurope en exil", hébergé par "Les Crises"
depuis qu’il a été censuré par la plateforme hypoteses.org