Enfants et petits-enfants
partis vadrouiller pour la journée et mon programme de confitures étant bien
avancé, au calme sur ma terrasse ça me fait des vacances… Je me suis donc
replongé dans la lecture à petites doses des bouquins qui agrémentent les
fréquents moments de fare
niente de mon été. Moments consacrés
cette année (question d’âge sans
doute) à entretenir ma nostalgie : Entre des (re)lectures
soutenues de séries complètes de BD belges "jeunesse" du siècle passé
(!), je picore ces temps-ci dans une sélection de chroniques publiées dans
divers journaux par Denis Tillinac
entre 1985 et 2009.
Et m’est venue l’envie de
vous faire partager une de ses chroniques, écrite il y a dix-huit ans de ça et
publiée alors sous le titre « Je suis un plouc ! » (sic) :
_____
« Les vacanciers ont deux ennemis :
le mauvais temps et le "culturel". Mais la pluie ne l’empêche pas de
s’adonner à la sieste, de butiner un livre, de taper un carton ou de prolonger
un apéro. En outre, elle est intermittente. Tandis qu’un flic intérieur exige
en permanence son dû "culturel", sous peine de ringardisation. L’estivant
est traqué par du "culturel" qui prétend "l’animer". C’est
trop de sollicitude. S’il échappe par inadvertance au concert de musique
baroque dans l’église du village où il séjourne, une exposition d’ "art artisanal" le guette dans
le patelin voisin. Qui oserait avouer que l’ "art
artisanal" est plus ennuyeux que la pluie ? Personne ou presque. Gare
à la troupe de théâtreux qui se produit dans les ruines d’un château ! Et
gare au groupe folklorique qui sévit sur l’ancien foirail ! Le danger
vient de partout. D’une brocante à une exposition de photographies 1900, en passant
par une séance de dédicaces des plumitifs régionaux, le "culturel"
inflige un chemin de croix à des gens qui, comme moi, comme n’importe qui,
préfèreraient lézarder sur une chaise longue ou déconner au coin du feu avec un
armagnac à portée de main. Pour tout dire, j’ai pris mon parti : Je suis
un plouc. Irrémédiablement, le "culturel" me fait fuir à toutes
jambes. Mais combien de malheureux, captifs d’une mauvaise conscience inoculée
par l’air du temps, se croient tenus de ne pas déserter quand sonne l’heure d’aller
écouter un barde abscons, un conférencier de son terroir ou un orchestre de
chambre ! L’analphabétisme progresse, la convivialité s’exténue, la
mémoire est de plus en plus courte, et on nous bassine avec ce "culturel"
inepte – relayé à chaque carrefour par des panneaux signalant un mégalithe, un
clocher XVI°, une chartreuse XVIII°, etc. Les musées thématiques prolifèrent :
la moindre soupière ébréchée, le moindre fragment de rouet participent d’une
sorte de névrose patrimoniale qui complètent des "créations"
contemporaines. Car les "créateurs" aussi prolifèrent, hélas !
(…)
J’avais dès lors adopté la devise
attribuée à Jean d’Ormesson : "Mieux vaut un quart d’heure de
mauvaise musique que deux heures de bonne". En vertu de quoi, je m’honore
de passer des vacances sans expos, ni festivals, ni concert, de vraies vacances
où le temps se fait complice de mes langueurs au lieu de me harceler. Pendant
onze mois, les gens endurent la vindicte d’un patron, la promiscuité des
transports, l’aigreur d’un conjoint, le brame d’un enfant, brefs, les petites
horreurs de la quotidienneté. Ils devraient exiger la promotion d’un nouveau
droit de l’homme, celui d’être exemptés de "culturel", au moins
lorsqu’ils partent en vacances. »
La Dépêche, 18 juillet 1999
bonnes lectures, bonnes confitures et bonnes vacances !
A toi aussi et à ton homme ! Conservez-vous!
SupprimerC'est tout naturel./
RépondreSupprimer...à lire, j'entends.
RépondreSupprimer"En-même-temps", n'oublions pas que quand la charia sera la base de notre constitution, la musique, le dessin figuratif, la photo de nu (ou même de pas nu) et bien d'autres choses seront interdites : cela peut aussi être une raison d'en profiter tant que c'est possible (pour "celles-zé-ceux" que ça intéresse, bien sûr : "pas de contraintes en religion", comme dirait un célèbre prophète - je lui en laisse volontiers la responsabilité).
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