Je me souviens du temps (c’était pas hier) où je me la jouais graine d’intello à écharpe louchant sur la rue Saint Guillaume. Je vois encore le décor et les accessoires de mon petit théâtre à la con : sur une table au fond d’un bar enfumé, le quotidien Combat largement étalé sur le formica laqué (ton jaune-orangé édition 1963…), un paquet cartonné de Gitanes filtre, un cendrier en plastoc blanc Cinzano, un café-crême (avec deux pailles…), un bout de crayon à la mine érodée bien utile pour griffonner des notes débiles dans les marges de "La révolte des masses" d’Ortega y Gasset, et, évidemment, incontournablement, négligemment posé à côté de tout ça, le Monde…
Plus tard, passé cet âge encore un peu naïf, plus absorbé par la lecture des Echos, voire du J.O. pour raison alimentaire sinon par souci du réel, j’ai longtemps cru qu’il n’y avait plus que les étudiants boursiers d’Afrique noire pour lire consciencieusement, voire religieusement le Monde.
Il n’en est rien.
L’institution perdure. Ouais, enfin bon… "Le Monde ne suffit pas" ou plutôt l’arrogance boboïde ne suffit plus…
Comme d’autres fourguent des stylos ou des réveils-matin avec les abonnements, l’alléchante proposition commerciale faite aux couillons de vulgariser de gentils chefs d’œuvre de la littérature libertine par petits fascicules habillés en rouge Hermès suffira-t-elle à relancer les ventes ?
D’ici-là, d’ici dix jours, il faudra bien trouver une alternative au dépôt de bilan… Et vu le pognon qu’il faudra y mettre, le payeur sera le vrai patron quoi qu’en pense la "Société des rédacteurs"…
Y a le choix (peut-être) : Le Monde sera sauvé, n’en doutons pas. Mais par quel pognon ?
Si c’est Pédriel, ce sera par le fric des sanibroyeurs pour WC (et pas mal de fric public via Orange…),
Si c’est Pierre Bergé et Niel (gauche caviar canal habituel), ce sera le fric du Minitel rose,
Si c’est l’espagnol Palanco, ce sera du fric gagné sous Franco sur les marchés obtenus par affinité politique avec le régime pour la fourniture des livres scolaires…
J’adore…
Un seul regret : Berlusconi n’est pas sur les rangs…
Le premier paragraphe évoquant la jeunesse du Plouc a suscité de la part de Restif un très beau commentaire qui m'a beaucoup plu. Il s'est niché malencontreusement du côté des coqs gaulois au 18 juin = voir donc plus haut.
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