Ça y est ! Je l’avais déjà annoncé ici il
y a bientôt neuf ans. De quoi je cause ?
- En avril 2010, la Cour de Cassation avait
validé le "préjudice d’anxiété". En l’espèce, rejetant un
pourvoi d’employeurs, elle reconnaissait que les travailleurs de l’amiante n’ayant pas (ou pas encore) développé de maladies subissent un "préjudice
dû à une situation d’inquiétude caractérisée par un suivi médical propre à
réactiver cette angoisse".
Cependant, elle limitait cette faculté aux seuls travailleurs ayant œuvré dans
les secteurs du bâtiment et de la réparation navale précisés dans la loi de
décembre 1998 ouvrant droit à la "préretraite amiante".
-
Dans le même esprit, fin 2015,
un collectif d’acurabas ayant pris
du Mediator a attaqué le laboratoire
Servier sur la base du même "préjudice d'anxiété". Ils n’étaient pas
malades du fait de la prise du médicament mais affirmaient "subir les conséquences indirectes du
scandale qui a touché cet antidiabétique retiré du marché il y a déjà 6 ans"…
Et voilà qu’hier
vendredi, la Cour de Cassation en a remis une couche sur l’amiante : A l’occasion
d’un arrêt dans une affaire entre EDF et un de ses salariés, sur le fondement du droit commun régissant
l’obligation de sécurité de l’employeur, la Cour a étendu les critères
concernant le préjudice d’anxiété à la réparation des troubles psychologiques de
tous travailleurs ayant eu connaissance
d’une exposition à l’amiante…
- Bon. Dans
notre Droit, chacun est tenu de réparer les préjudices qu’il cause et c’est
bien. Reste que le Droit ne définit pas le préjudice dans ses multiples natures
(ce qui est
aussi bien, vu le carcan que nous impose chaque jour un peu plus la pagination
diarrhéique du J.O.) D’où
forcément l’apparition régulière de nouveaux préjudices au gré des attendus de
décisions de justice faisant jurisprudence…
- Mais dans les cas d’espèce - amiante comme médiator - la réparation n’est désormais plus due seulement pour un préjudice identifié et subi, mais aussi pour le préjudice redouté. On nous parle d’anxiété, on nous parle d’angoisse. La porte des interprétations possibles par le juge est désormais grande ouverte. Bonjour l’angoisse…
- Mais dans les cas d’espèce - amiante comme médiator - la réparation n’est désormais plus due seulement pour un préjudice identifié et subi, mais aussi pour le préjudice redouté. On nous parle d’anxiété, on nous parle d’angoisse. La porte des interprétations possibles par le juge est désormais grande ouverte. Bonjour l’angoisse…
Dès lors
qu’un tiers (personne
physique, morale ou entité collective identifiable) peut être repérée comme étant à
l’origine probable d’une anxiété et
pour peu que celle-ci prenne une forme un minimum obsessionnelle à dire
d’expert, la crainte, le regret, la frustration, la déception,
voire cette chose si banalement commune qu’est la peur de mourir sont susceptibles d’être des préjudices
indemnisables…
Questions :
Qui indemnisera le salarié de l’anxiété du licenciement ?
Et le jeune
de la crainte de ne pas trouver sa place dans le monde du travail ?
Et la mère
du toxicomane marginalisé de l’angoisse quant à son avenir ?
Et la
caissière ou la serveuse de l’anxiété de rentrer seule la nuit par le dernier
RER désert ?
Et les
victimes potentielles du terrorisme (autres que les Je-suis-Charlie
même-pas-peur en terrasse…) ?
NB :
Le Monde : "Selon
un rapport du Haut conseil de la santé publique, l’amiante pourrait provoquer
entre 68 000 et 100 000 décès en France d’ici 2050"
Libé : "Selon
le Haut conseil de la santé publique, l’amiante pourrait provoquer 100 000
morts en France d’ici à 2025"