"Si la capacité des cons à s'auto-éliminer ne doit pas être négligée, la volonté effarante du monde moderne et de l'Etat-providence à les sauver rend vain tout espoir de sélection naturelle"

"Il y a deux aristocraties : celle du haut et celle du bas. Entre les deux, il y a nous, qui faisons la force de la France.

vendredi 15 juillet 2011

Des mystères du génie, des sujets et de leurs auteurs…

‘’Il y a des sujets qui ont du génie. Ils en ont même pour deux : l’auteur n’en a plus besoin ; ainsi l’Himalaya, Landru, la stratosphère, ou les sources de l’Amazone, les mœurs du phoque, Hiroshima, le docteur Bombard, les champignons des profondeurs du Pacifique, bref "l’accouchement des cachalots". Ils font prime sur le marché des livres. Le lecteur aime se trouver soudain tête à tête avec un requin. Il aime rester pendu par le fond de sa culotte à trois mille mètres au-dessus de l’abîme géographique. Il aime bien moins s’asseoir tête à tête avec l’homme ou rester suspendu au-dessus de l’abîme humain. Il en est né toute une littérature qui a bien moins besoin du talent littéraire que des curiosités de l’enfance et qui s’adresse au boy-scout de treize ans ( disons à M. Churchill, à nous, à la voisine). Je ne dis pas qu’elle ait toujours tort : le tête-à-tête avec le romancier Dupont est certainement moins fascinant que le tête-à-tête avec le chien de mer à crinière bleue, l’abîme humain du romancier Dubois est sûrement moins riche et moins vertigineux que le gouffre glauque du Pacifique où le poisson-scie digère un reste de Chinois. Un auteur a raison de traiter de la sardine quand il offre moins d’intérêt que ce passionnant mammifère ; la sardine lui prête son génie. Il existe par son sujet ; c’est ce qu’on demande au journaliste. Dans l’autre cas, il faudrait que ce soit lui qui prête au sujet son génie ; c’est ce qu’on demande au romancier. Résumons-nous : l’événement fait le journaliste, le romancier fait l’événement. Quand l’événement qui a du génie rencontre un auteur de génie, c’est le maximum de la chance : on obtient la Chanson de Roland ou le compte rendu par Jean Giono de l’affaire Dominici. Quand l’événement incolore rencontre l’auteur inodore, on obtient le produit insipide. Entre ces deux extrêmes, mille combinaisons produisent toutes les saveurs possibles.’’


Alexandre Vialatte – Chroniques (vers 1955 ?)


Et certaines saveurs plaisent au palais. (n’en déplaise au Stalker ou à Bernard Pivot…)

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