"Si la capacité des cons à s'auto-éliminer ne doit pas être négligée, la volonté effarante du monde moderne et de l'Etat-providence à les sauver rend vain tout espoir de sélection naturelle"

"Il y a deux aristocraties : celle du haut et celle du bas. Entre les deux, il y a nous, qui faisons la force de la France.

vendredi 1 novembre 2013

Ananké...


Galipoff informait régulièrement le procureur de l’avancement de l'enquête menée par ses subordonnés et les laissait creuser les pistes les plus croustillantes qu’ils s’évertuaient à dénicher. Mais son enquête à lui, la vraie, était terminée. Pour boucler définitivement le dossier, il ne lui restait plus qu’une visite à faire, une rencontre, avec ou sans aveu. Question de conscience professionnelle. Pourtant, quelle que soit la conclusion de cette rencontre, sa décision était déjà prise. A un an de la retraite il s’en foutait. Après tout, tant d’affaires avaient déjà été enterrées par ses supérieurs...
Pourquoi se priverait-il, lui Galipoff, du plaisir - ou de la lassitude - d’en enterrer une lui aussi ?

-

Après avoir poussé la porte du Pays perdu, Galipoff s’arrêta un instant pour habituer ses yeux à la relative obscurité des lieux. Il appréhendait de tomber sur l’un ou l’autre de ses indics. Ce ne fut pas le cas. Bien sûr, ils auraient fait comme si de rien n’était, mais il ne souhaitait pas attirer l’attention sur la personne qu’il allait rencontrer. Heureusement, François Réséda n’était pas là non plus. C’était devenu un ami qui serait venu vers lui et il aurait fallu l’en dissuader d’un geste discret. Au moins lui n’en aurait parlé à personne.    

Chichement éclairé, l’endroit était sombre et enfumé. Car on y emmerdait le monde et pouvait encore se permettre d’y fumer. Comme tous les soirs il y avait autour des tables, agglutinés les uns aux autres, des groupes de semi-épaves, jeunes et beaucoup moins jeunes, qui descendaient des pichets de médiocre Côte du Rhône en mangeant des saucisses. Presque tous modestement vêtus de sombres blousons de cuir élimé, c’étaient très majoritairement des souchiens avec souvent des mains d’ouvriers. S’y mélangeaient en un joyeux désordre quelques kabyles, italiens, polonais, serbes, grecs, arabes chrétiens du Moyen-Orient, ainsi que, plus rarement, un ou deux nègres mais pas d’asiatiques... Aidé par la boisson, on s’y tapait mutuellement sur l’épaule en riant "- Putain ! On est racistes ! On est tous racistes ! Quelle chance on a d’être racistes ! D’être nous…"
Galipoff avait depuis longtemps fait le nécessaire pour que les sbires de la Préfecture de Police ne viennent pas les emmerder. Il faut toujours laisser un espace de respiration à la Vie pour éviter que ça pète…

Il la repéra facilement. Elle s’était intelligemment isolée au fond, décalée par rapport à la porte. Arrivé en face d’elle, il se laissa lourdement choir sur la chaise et mit ses coudes sur la table de faux bois terni.
Il fallait qu’il se décide à rompre le silence gêné de ce tête-à-tête muet. Galipoff finit par lever les yeux et regarder celle qui était assise en face de lui sur la banquette de simili-cuir rappé. Doucement, avec cette retenue hésitante qu’on croit devoir adopter lorsqu'il faut s’adresser à quelqu’un qui vient peut-être de vivre un grand chagrin d’Amour, il osa sa première question, primordiale :

"­- Soledad ?"

"- Je m’appelle Solène" murmura la fille…

Ananké

Dans sa piaule, allongé sur son lit dont il n’avait pas changé les draps depuis deux mois, François regardait la fumée de sa clope monter vers le plafond. Une seule question revenait, lancinante, lui tarauder l’esprit :

"- Où es-tu, Soledad ?"…

Ananké

Ἀνάγκη… Ananké, déesse mineure de la mythologie grecque, quelque chose comme une assistante de  Chronos, dieu du temps…

Si j’en crois les descriptions de postes de l’Olympe, son job est de présider, cahin-caha, à

la destinée, la nécessité et la fatalité.

Elle fait ce qu’elle peut...
FIN

3 commentaires:

  1. kobus van cleef03/11/2013 16:59

    Censuré ?

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    1. Votre commentaire avait bien été publié. Il est resté en ligne environ une minute et quelques secondes... Puis une fausse manip' dans la suppression de l'e-mail de réception l'a viré sans espoir de récup'. J'ai fini par le récupérer dans sa version courriel.
      Pour ce qui est de l'ébauche de synopsis que vous suggérez pour une suite, la chute me semble encore moins crédible que ma contribution à l'ethnologie du bac à sable. Pour satisfaire votre égo, je la copie-colle ci-après pour d'éventuels passants attardés :

      "C'est déjà fini ?
      Hé bé.......
      Imaginons une suite, que vous ne censurerez pas
      Nommons la Aphrodite ( afro sans redites ?)
      Galipof et Réséda tombent tous deux raides dingues de Soledad/Solene ,dans un mouvement convulsif et jaloux le premier tue le second, lequel l'a dénoncé aux services idoines de la tranquillité citoyenne, le sous sous chef responsable y voit l'opportunité de bouster sa carrière et tente d'alpaguer Gali ( pof pas poli), lequel, rongé par le remord se suicide en cellule
      Scandale
      Cabernet-Sauvignon est virée de son job par le président machin, on embauche Solene comme porte parole du gouvernement...."

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  2. Eh bé, quelle histoire ! Où allez-vous chercher tout ça ?

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