Galipoff
informait régulièrement le procureur de l’avancement de l'enquête menée par ses
subordonnés et les laissait creuser les pistes les plus croustillantes qu’ils
s’évertuaient à dénicher. Mais son enquête à lui, la vraie, était terminée. Pour boucler définitivement le dossier, il
ne lui restait plus qu’une visite à faire, une rencontre, avec ou sans aveu. Question
de conscience professionnelle. Pourtant, quelle que soit la conclusion de cette rencontre,
sa décision était déjà prise. A un an de la retraite il s’en foutait. Après tout, tant
d’affaires avaient déjà été enterrées par ses supérieurs...
Pourquoi se
priverait-il, lui Galipoff, du plaisir - ou de la lassitude - d’en enterrer une
lui aussi ?
-
Après
avoir poussé la porte du Pays perdu,
Galipoff s’arrêta un instant pour habituer ses yeux à la relative obscurité des
lieux. Il appréhendait de tomber sur l’un ou l’autre de ses indics. Ce ne fut
pas le cas. Bien sûr, ils auraient fait comme si de rien n’était, mais il ne
souhaitait pas attirer l’attention sur la personne qu’il allait rencontrer.
Heureusement, François Réséda n’était pas là non plus. C’était devenu un ami
qui serait venu vers lui et il aurait fallu l’en dissuader d’un geste discret.
Au moins lui n’en aurait parlé à personne.
Chichement
éclairé, l’endroit était sombre et enfumé. Car on y emmerdait le monde et
pouvait encore se permettre d’y fumer. Comme tous les soirs il y avait autour
des tables, agglutinés les uns aux autres, des groupes de semi-épaves, jeunes
et beaucoup moins jeunes, qui descendaient des pichets de médiocre Côte du Rhône
en mangeant des saucisses. Presque tous modestement vêtus de sombres blousons de
cuir élimé, c’étaient très majoritairement des souchiens avec souvent des mains
d’ouvriers. S’y mélangeaient en un joyeux désordre quelques kabyles, italiens, polonais,
serbes, grecs, arabes chrétiens du Moyen-Orient, ainsi que, plus rarement, un
ou deux nègres mais pas d’asiatiques... Aidé par la boisson, on s’y tapait mutuellement
sur l’épaule en riant "-
Putain ! On est racistes ! On est tous racistes ! Quelle chance
on a d’être racistes ! D’être nous…"
Galipoff
avait depuis longtemps fait le nécessaire pour que les sbires de la Préfecture
de Police ne viennent pas les emmerder. Il faut toujours laisser un espace de respiration
à la Vie pour éviter que ça pète…
Il
la repéra facilement. Elle s’était intelligemment isolée au fond, décalée par
rapport à la porte. Arrivé en face d’elle, il se laissa lourdement choir sur la
chaise et mit ses coudes sur la table de faux bois terni.
Il
fallait qu’il se décide à rompre le silence gêné de ce tête-à-tête muet. Galipoff finit par lever les yeux et regarder celle qui
était assise en face de lui sur la banquette de simili-cuir rappé. Doucement,
avec cette retenue hésitante qu’on croit devoir adopter lorsqu'il faut s’adresser à quelqu’un
qui vient peut-être de vivre un grand chagrin d’Amour, il osa sa première
question, primordiale :
"- Soledad ?"
"- Je m’appelle Solène" murmura la
fille…
Ananké…
Dans
sa piaule, allongé sur son lit dont il n’avait pas changé les draps depuis deux
mois, François regardait la fumée de sa clope monter vers le plafond. Une seule
question revenait, lancinante, lui tarauder l’esprit :
"- Où es-tu, Soledad ?"…
Ananké…
Ἀνάγκη…
Ananké, déesse mineure de la mythologie grecque, quelque chose comme une assistante
de Chronos, dieu du temps…
Si
j’en crois les descriptions de postes de
l’Olympe, son job est de présider, cahin-caha, à
la
destinée, la nécessité et la fatalité.
Elle
fait ce qu’elle peut...
FIN
Censuré ?
RépondreSupprimerVotre commentaire avait bien été publié. Il est resté en ligne environ une minute et quelques secondes... Puis une fausse manip' dans la suppression de l'e-mail de réception l'a viré sans espoir de récup'. J'ai fini par le récupérer dans sa version courriel.
SupprimerPour ce qui est de l'ébauche de synopsis que vous suggérez pour une suite, la chute me semble encore moins crédible que ma contribution à l'ethnologie du bac à sable. Pour satisfaire votre égo, je la copie-colle ci-après pour d'éventuels passants attardés :
"C'est déjà fini ?
Hé bé.......
Imaginons une suite, que vous ne censurerez pas
Nommons la Aphrodite ( afro sans redites ?)
Galipof et Réséda tombent tous deux raides dingues de Soledad/Solene ,dans un mouvement convulsif et jaloux le premier tue le second, lequel l'a dénoncé aux services idoines de la tranquillité citoyenne, le sous sous chef responsable y voit l'opportunité de bouster sa carrière et tente d'alpaguer Gali ( pof pas poli), lequel, rongé par le remord se suicide en cellule
Scandale
Cabernet-Sauvignon est virée de son job par le président machin, on embauche Solene comme porte parole du gouvernement...."
Eh bé, quelle histoire ! Où allez-vous chercher tout ça ?
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