Il est vrai que tous les grands penseurs de la philosophie, depuis l’antiquité grecque jusqu’à hier soir sont aussi obsolètes que suspects. De jeunes cerveaux sont heureusement venus renouveler la pensée conceptuelle, approfondir lumineusement les sommets et les gouffres de la cogitatio, décortiquer les doutes et les nuances ontologiques du logos… Grâce à leurs travaux, dans le bruit assourdissant de ses certitudes morales, l’humanité peut rouler de plus en plus vite sur la voie unique de son salut…
J’ai eu cette révélation en lisant l’autre soir sur je ne sais plus quel torchon autorisé la prose d’une autorité intellectuelle dont j’ignorais tout et que j’apprends être de premier plan.
Je veux parler de Vincent Cespedes. C’est un philosophe et écrivain français (je précise, des fois que vous soyez aussi incultes que le plouc-em’) Il a crée la collection ‘’Philosopher’’ aux Editions Larousse. Il intervient régulièrement dans les débats de société et fait des conférences dans le monde entier. Il figure parmi la jeune garde dans un classement effectué par Le Nouvel Obs des ‘’50 stars de la pensée’’ ainsi que parmi les neuf portraits d'intellectuels du XXIe siècle fait par Le Journal du Dimanche. Bref, des références, c’est du lourd…
Pour ne pas mourir idiot, je suis allé survoler sa production pour tenter d’approcher la hauteur cosmique de sa pensée qui constitue dorénavant, me dit-on, un apport fondamental au corpus de la philosophie. J’ai retenu deux courts extraits situés à une encablure l’un de l’autre dans un de ses principaux ouvrages :
« Si l’on observe sans a priori la théorie révolutionnaire de Mai, la voltige festive cède la place à la haute voltige philosophique. Soit par exemple un tract, ‘’Avant-projet d’une révolution culturelle et sociale’’ (Censier), qui transforma mon fiel contre le meilleur antérieur en étonnement et avidité»
(…)
« La force de Mai, force dont nous pouvons hériter, c’est d’offrir un moyen radical pour discuter l’Indiscutable : en critiquer immédiatement la légitimité, par la parole vivante – ce que j’appelle ‘’clasher’’ »
Du coup, l’article de lui que j’avais lu avant hier m’a paru couler de source. Hautement philosophique, il s’intitulait :
Pour en finir avec le national-racisme de l'extrême droite.
Et je ne vous en livrerai que sa phrase de conclusion :
‘’La gauche de 2012 devra être visionnaire, enthousiasmante et inspirée pour promettre une solidarité plus intense que la haine, et convaincre les junkies du national-racisme d’accepter leur cure de désintoxication.’’
Vu les mecs ? Le débat philosophique enfin clarifié valide et légitime la seule et unique philosophie de l’action qui mènera l’humanité vers son apothéose : La seringue et le camp de rééducation pour les asociaux, les pervers et les psychotiques qu’il faut éradiquer… Euh… pour leur bien…
Donc "Si l’on observe sans a priori la théorie révolutionnaire de Mai", il faut "clasher" a priori l'Indiscutable.
RépondreSupprimer...c'est indiscutable.
J'préfère encore faire une O.D. de nazional-ouacisme !
RépondreSupprimerPardonnez l'aridité verbeuse de l'exploration qui suit. Je m'intéresse uniquement aux caractéristiques intrinsèques du raisonnement mentionné plus haut.
RépondreSupprimerCe raisonnement: «"Si l’on observe sans a priori la théorie révolutionnaire de Mai", il faut "clasher" a priori ("immédiatement")
l'Indiscutable»
ne peut appartenir à l'Indiscutable, sans quoi il devrait "immédiatement" s'auto-"clasher" (A).
D'autre part, ce raisonnement présume l'unicité de l'Indiscutable de par l'énonciation même des deux mots "l'Indiscutable". Il n'existe donc pas d'autre "Indiscutable" (B).
(A) et (B) impliquent que ce raisonnement soit discutable (C).
Confronté à "l'Indiscutable", clasher "immédiatement" exclut le temps de réflexion nécessaire au doute (D).
L'exclusion du doute, au moins sur une courte période de temps (D), implique de considérer ce raisonnement comme indiscutable (E).
Comment concilier (C) et (E) ? Une voie possible est le refoulement psychologique : refouler la discutabilité intrinsèque du raisonnement, dans le subconscient, pour pouvoir considérer consciemment le raisonnement comme indiscutable. Une autre voie possible est la schizophrénie sous forme de double personnalité. Dans les deux cas on obtient une forme de double pensée, simultanée dans le premier cas (cf. Orwell), alternative dans le deuxième cas.
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Commentaire
Notez l'hypothèse implicite d'unicité de l'Indiscutable (B), ainsi que l'inconditionnalité nécessaire de la réaction "clash" (D), qui exclut de facto les chemins nerveux plus longs traversant le cortex supérieur, et retour.
D'où une observation pratique : confronté à une telle personne, dans un tel état mental, à un moment donné, rappelez-vous que vous avez affaire à un être dont seul le cerveau primaire est actif.
Par ailleurs, ceci n'interdit pas du tout à l'être en question de se montrer intelligent à d'autres moments et/où dans d'autres domaines.
En résumé, vous avez affaire *dans de telles conditions*, fonctionnellement, à un primate moins développé qu'un singe, appliquant une grille de raisonnement moins discriminante que certaines cultures primaires d'Amazonie ("un, deux, plus.").
Je ne vois pour l'instant pas d'autre moyen d'obtenir quelque chose de tels êtres que d'abonder dans leur sens ("unicité", "semblable") pour les pousser plus vite dans le mur qui les attend au bout de leur raisonnement, avant que la réalité ne s'en charge (ce qui coûte cher).
Ils veulent rien que notre bonheur !
RépondreSupprimer@ Beaudricourt – Pourquoi ‘’overdose’’ ? Nous en consommons quotidiennement, raisonnablement et fort judicieusement ‘’avec modération’’ ^^
RépondreSupprimer@ Gas – Euh… CQFD, raisonnement irréfutable, que dis-je, indiscutable ! (rassurez-vous, j’ai pris des notes… mais j’ai du mal à les relire^^)
@ Carine - C’est sûr. Et c’est fou ce que ça me rassure…
@plouc: ouarf! Je vous avais prévenu, c'est aride.
RépondreSupprimerSans clasher outre mesure, reconnaissons quand même que la cure de désintoxication pour ceux qui pensent de travers, c'est pas une idée nouvelle. Comme apport à la pensée universelle
RépondreSupprimerc'est léger. Les grands Staline et Mao avaient mis en application, eux, au moins.
En tout cas, merci de nous avoir fait connaître cette ordure. Ca vaut le coup d'oeil!
Amitiés.
Ce que Deleuze dit des nouveaux philosophe en 1977:
RépondreSupprimer"Je crois que leur pensée est nulle. Je vois deux raisons possibles à cette nullité. D'abord ils procèdent par gros concepts, aussi gros que des dents creuses, LA loi, LE pouvoir, LE maître, LE monde, LA rébellion, LA foi, etc. Ils peuvent faire ainsi des mélanges grotesques, des dualismes sommaires, la loi et le rebelle, le pouvoir et l'ange. En même temps, plus le contenu de pensée est faible, plus le penseur prend d'importance, plus le sujet d'énonciation se donne de l'importance par rapport aux énoncés vides (« moi, en tant que lucide et courageux, je vous dis…, moi, en tant que soldat du Christ…, moi, de la génération perdue…, nous, en tant que nous avons fait mai 68…, en tant que nous ne nous laissons plus prendre aux semblants… »). Avec ces deux procédés, ils cassent le travail. "