Vous
connaissez Alain Tourret ? Non ? C’est pas grave. Avocat, maire de
Moult (1.900
habitants dans le Calvados ; j’ignore comment on les appelle), il aura 67 ans le jour de Noël (n’oubliez pas). Et il est député radical de gauche
comme de juste… Le FOPOD l’a nominé pour le Bavoir du jour. Du jour seulement…
Porte-parole
de son groupe à l’Assemblée, l’actualité récente lui a donné l’occasion de
postillonner à la tribune sur cette "droite, revancharde par nature,
réactionnaire par tempérament, aiguillonnée par des factieux, décidé de
remettre en cause cette loi [Taubira sur le mariage zinzin] témoignant du progrès humain."… C’est vrai que pour trouver
quelque chose à dire et occuper le temps de parole accordé au groupe rad-soc, ça
demandait moins de préparation que de décortiquer le budget voté comme un seul
homme au prix de trois portefeuilles ou d’interroger le ministre sur la
livraison d’un bateau. Là, il suffisait d’enfiler des mots. Des mots,
justement.
Dans
sa péroraison, notre homme nous a rappelés comme une évidence que la Loi instituant
le mariage pour tous avait rejoint les grandes lois fondatrices et
essentielles. Et que, avec les lois accordant
le droit de vote aux femmes, abolissant la peine de mort et légalisant l’interruption
volontaire de grossesse, elle faisait désormais partie de notre patrimoine républicain.
Evoquer
et mettre en équivalence dans une même phrase que le refus de la mise à mort
post-natale, la promotion de la mise à mort prénatale et la promotion de l’accouplement
stérile du même au même sont des composantes essentielles de notre patrimoine républicain est un petit
bijou qui mérite qu’on s’y arrête. Pour l’orateur, tout est dit. Le clou ainsi
enfoncé est définitif et ne mérite aucun complément argumentaire. Pourquoi ?
Parce que, et seulement parce que, le "patrimoine" dont il s’agit est
qualifié de "républicain" !
Généraliser
l’adjectivation des substantifs est
une pathologie du langage qui permet de tordre le réel. Ainsi, le mot citoyen n’est guère plus utilisé que
comme adjectif. Un citoyen, keksé ?
Le définir nécessite d’entrer prosaïquement dans le réel. Le désigner par ce qu’il est nécessite de
dire ce qu’il n’est pas, donc de discriminer,
cépabien.
"Entreprise
citoyenne", comportement "citoyen", "Mouvement Républicain
et Citoyen", toussa fait florès.
En revanche, le citoyen n’existe
plus. Même le Ploukèm’ ne connait que les acurabas…
L’adjectif citoyen, lui au moins, n’a pas
besoin qu’on explique ce qu’il veut dire. C’est un qualificatif, il porte en lui-même son propre sens, indiscutable,
indiscuté, postulatoire. Son origine étymologique provient d’un terme certes éminemment
positif mais vieilli et désormais si peu usité qu’il importe peu qu’on s’attarde
à en rechercher le contenu allant de soi…
Il
en est de même pour l’adjectif "républicain". Il suffit à positiver
sans contestation possible ce qu’il qualifie.
Même et surtout quand le substantif qu’il rend digne de tous les honneurs citoyens est d’une vacuité sans nom. Utilisé
en adjectif, "républicain" se révèle capable de rendre autonettoyante la plus sordide des auberges
espagnoles comme la plus virtuelle et subventionnaire assoc’… L’exemple le plus
courant est celui du Pacte républicain. Personne ne sait ce que ça
veut dire mais nul ne saurait se dispenser de faire devant au moins une génuflexion
de dévot pressé et nul n’oserait en ricaner sans être promis au bûcher pour
avoir proféré le pire des blasphèmes.
Donc,
nous avons un patrimoine républicain. Grâce à Alain Tourret, contre toute
attente, nous avons la chance de savoir enfin de quoi ce truc est fait, quel liant en solidifie les inébranlables fondations; bref ce que sont ses racines chrétiennes républicaines. Le
moins que je puisse dire c’est que ce patrimoine n'est pas le mien.
Le qualificatif citoyen a eu son apogée sous Mitterrand, sauf erreur. de ma part. Son usage s'est un peu atténué après, mais ça me hérisse encore.
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