Quousque tandem abutimini, vos, patientia nostra ? **
(Oui, jusques à quand abuserez-vous de notre patience ?)
« L’affaire Fillon, qui semble se tasser, mais
non se régler, dépasse largement la personne même de l’ancien premier ministre.
C’est toute une partie de l’électorat qui a été prise à la gorge et qui devient
l’otage d’un pouvoir occulte, dont on pressent qu’il existe et que l’on ne
saurait nommer. Les faces sont masquées, non identifiables, les complots
rampent, les acteurs les plus impliqués se réjouissent de leur coup, les vrais
auteurs espèrent que cette invraisemblable comédie aura pour eux son happy
end. Les élus de la Droite s’énervent et demanderaient à leur chef de se
retirer. Voir leur champion anéanti devant leurs yeux n’a rien d’agréable. Le
chef est là pour leur faire partager la victoire, non pour les amener à la
défaite. L’assemblée triomphante de La Villette est déjà oubliée. Il ne faut
pas gagner hier, il faut gagner demain ! Et demain, leur répètent les sondages
du moment, est incertain. Qu’attend-on ? Que le Parquet financier proclame un
jugement ? Oui, mais ce Parquet, qui a été d’une célérité inhabituelle pour
intervenir, pourrait, pour les mêmes raisons, être d’une lenteur épuisante à
donner ses conclusions ! Et les élections approchent ! Sur les lèvres et dans
les cœurs, une seule question : Fillon s’en sortira-t-il ? Comme si s’était la
bonne question !
Pour trouver la réponse, changer la question
Supposons le scénario le plus sombre : Fillon retire
sa candidature à la présidence, il se désiste de la campagne électorale et,
avec sa femme, ils partent quelques mois dans les Caraïbes. Les enquêtes du
Parquet financier n’auront plus aucun intérêt et, dans six mois environ, un
non-lieu sera probablement prononcé. Plus personne ne s’intéressera aux emplois
supposément fictifs de Penelope ! Autrement dit, ce n’est pas aux actes légaux
ou moraux du candidat que l’on s’intéresse. Mais c’est au candidat qui a
remporté le vote incontestable que l’on sait, au soir de la primaire de la
Droite, et qui représente une force politique dangereuse ! Et ce candidat n’est
pas seul ! Il a déjà derrière lui quelques millions de citoyens qui ont
manifesté avec leurs pieds et leurs mains quel type de personnalité, quel choix
de société, quelle sorte de gouvernement ils souhaitaient. Ce n’était pas une
force en fin de course ! C’était une force en début de course. Une force qui ne
pouvait que grandir, se développer, et vaincre ! Cette force-là, il fallait la
miner, la disséminer, l’anéantir, la faire mourir ! Il fallait dès maintenant
lui couper sa voie électorale, lui voler son droit de s’exprimer. L’affaire
Fillon, ce n’est pas une attaque maladroite sur la réputation d’intégrité d’un
homme : c’est la spoliation concertée du droit moral du vote, l’attaque
camouflée de l’authenticité d’une démocratie politique. François Fillon s’en
sortira-t-il ? Non, si l’on continue à se centrer sur cette question. Car tout
a été fait pour qu’il ne s’en sorte pas !
Comprendre le processus
Pour comprendre l’importance de la stratégie, il faut
analyser minutieusement le processus. Le Canard enchaîné reçoit un
dossier. Lequel ? De qui ? Le saura-t-on jamais ? Si, comme le laisse entendre
la rumeur publique, c’est une fuite du Service des Impôts, ce dossier donne au
journal une matière sur laquelle travailler. Car les salaires de Madame Fillon
ont été déclarés. On fait simplement l’impasse sur cette faute grave contre
l’obligation du secret professionnel, une faute grave qui relève du Code pénal
! Il faudra, un jour, faire la lumière sur cette faute grave.
Le journal commence son "travail". Il ne
s’agit pas seulement de comptabiliser les montants et d’aligner les jours de
travail. Il s’agit de faire de cette "matière" non un simple fait,
mais une cible médiatique. Véritable mob trigger (déclencheur de la populace), le Canard enchaîné est spécialiste en ce
domaine : rappelons-nous les diamants de Bokassa évalués bien au-dessus de leur
valeur, les emplois fictifs reprochés à Juppé, etc. La technique est
simple : dépouiller les faits de tout leur contexte, de toutes les circonstances
réelles qui les entourent. Les rendre totalement nus. On exagère les
chiffres – montant brut et non net –, on minimise les périodes de rémunération,
on évite de dire que le geste est légal, que les montants ont été déclarés aux
impôts. On présente Madame Fillon comme une "bonniche", alors qu’elle
est juriste de profession, capable de fournir une contribution professionnelle
à son mari, membre du Conseil municipal de son village, etc.
Le fait, une fois dépouillé de toutes les décisions
humaines qui l’ont engendré, réduit à sa seule matérialité, devient ainsi une
pâture bonne à être jetée aux chiens. L’on est sûr de l’effet qu’il produira,
de l’effet que l’on veut qu’il produise. À partir de ce moment, l’homme
politique pris dans les filets dans lesquels on l’a enfermé sera condamné,
quoiqu’il fasse pour rétablir la vérité humaine de ses actes. Tout ce qu’il
dira se retournera contre lui. Fillon dit qu’il n’y a qu’un compte en banque,
au Crédit agricole de Sablé. On dit qu’il ment ! Obligatoirement, il doit avoir
un compte administratif et un compte personnel ! Qu’il veuille simplement
affirmer qu’il n’a pas de compte caché à Singapour, à Genève ou à Kuala-Lumpur
! Peu importe ! Il ne peut pas dire qu’il n’y a qu’un compte, puisqu’il en a
deux ! Madame Fillon dit, en 2007, qu’elle n’a jamais été l’assistante
parlementaire de son mari, autrement dit, elle ne joue, ni ne veut jouer, les
Carla Bruni ou les Cherie Blair. On ne veut retenir qu’une chose : elle n’a pas
travaillé pour son mari !
Ce processus est connu ! C’est celui de tous les
accusateurs publics, depuis Marc-Antoine, le Sanhédrin, Cromwell,
Fouquier-Tinville et alii. Contre ce processus, la défense est perdue
d’avance ! Plus Fillon tentera de se défendre, plus il s’enfoncera ! Plus on se
demandera s’il en sortira, moins il en sortira.
Ce n’est pas Fillon qui est vraiment accusé ! C’est le
peuple lui-même ! C’est le peuple que le hollandisme finissant, moribond, a
méprisé, ignoré, injurié, trompé, qui est attaqué. C’est ce peuple, qui a
commencé à dire qu’on abuse de sa patience, qui est bafoué ! Ce peuple qui veut
en finir avec les conciliabules des "énarques", avec les théories
sociologiques des Pierre Bourdieu en matière d’éducation, avec les
manipulations des Taubira et de ses amis, qu’on veut à tout prix faire taire.
Ce peuple à qui l’on veut opposer un Macron télégénique, sans assise politique,
sans expérience de gouvernement, aux théories économiques de Thomas Piketty.
Une façon de s’échapper du filet !
Tant que la Droite se dissociera de son chef et
qu’elle continuera à douter d’elle-même, elle est finie. Bientôt, avant la fin
de la campagne électorale, elle sera morte ! Ce ne sont ni les Juppé, ni les
Larcher, ni les Bayrou, ni aucun autre qui maintenant, à 70 jours des
élections, peuvent remplacer Fillon. François Fillon a mis trois ans à
construire son programme, il a parcouru toute la France, il a interrogé toutes
les catégories d’électeurs. Il a bâti un programme en consultant des experts et
des hommes de terrain. On a tout à fait le droit de critiquer ses solutions,
tout-à-fait le droit de dire sur quoi l’on n’est pas d’accord. On ne peut, tout
de go, faire le jeu du pouvoir occulte, le mettre sur une tablette et croire
que l’espoir que l’on a mis en sa personne se reportera sur un quelconque valet
qui endossera sa livrée ! C’est de la pure folie. Forcer le retrait de Fillon
pour la Droite, c’est se suicider. Une bonne partie des électeurs, dégoûtés, ne
voteront pas ! L’absentéisme aidant, ni Macron, ni encore moins Hamon, plus
rien n’empêchera le FN de l’emporter. Et si Macron, par miracle, l’emportait ?
La République serait-elle gouvernable, face à quelle Assemblée législative ?
Il n’y a qu’une façon de sortir du tunnel ! Une seule
! La COLÈRE. Le peuple français doit dire qu’il en a assez d’être
méprisé. Il doit le dire, haut et fort. Il doit le dire avec colère,
c’est-à-dire avec la véritable vertu qui régule la colère : la vengeance. Car,
la vengeance, nous dit saint Thomas, est la vertu de la colère (S.Th., IIa-IIae, q. 108). Elle a comme objet de détruire le mal, pour que le
bien soit possible. Le peuple doit le dire non seulement dans le secret des
urnes, mais le dire partout, en famille, dans les salons, à l’usine, à son
cercle d’amis. Il doit dénoncer les accusations fausses, dénoncer les manœuvres
qui spolient ses droits. Il doit reprendre les mots d’ordre de son hymne
national : Aux armes citoyens ! Non pas s’armer de Kalachnikovs, mais se
munir du bouclier de la vérité dans l’intelligence, du feu de l’amour du bien
commun dans la volonté, du courage dans l’irascible et de la tempérance dans
les moyens.
Autrement, nous deviendrons un peuple d’esclaves ! »
Aline Lizotte
** – Quousque tandem, Catilina, abutere patientia
nostra ? est une expression latine tirée de la première des quatre
Catilinaires de Cicéron. Elle signifie : « Jusques à quand, Catilina,
abuseras-tu de notre patience ?» Ces mots violents constituent l’exorde du
premier discours contre Catilina prononcé par Cicéron le 8 novembre 63 av.
J.-C. pour démasquer et punir la deuxième conspiration de Catilina, une
tentative de coup d’État contre la République romaine. Catilina était
impudemment présent ce jour-là parmi les sénateurs, alors que sa tentative
d’assassinat de Cicéron et son complot venaient d’être découverts.
Le
texte repris ci-dessus a été publié mardi dernier 7 février ici.
Une analyse qui frise l'excellence.
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