C’est sans scrupule que je vous copie-colle in extenso le texte ci-après publié hier par Causeur.fr. Son auteur(e) est Anne-Marie LePourhiet, juriste spécialiste de droit constitutionnel et professeur
de droit public à l’Université :
[soulignages et encadrage sont de mon fait...]
____
« Alors comme ça un député provincial qui, selon
une habitude parlementaire très répandue, a autrefois recruté sa femme comme
collaboratrice parlementaire sans lui donner un travail harassant à effectuer,
se rend coupable d’attribution d’emploi fictif et, partant, de « détournements de fonds publics » justifiant
l’intervention immédiate du Parquet national financier (PNF) exclusivement
compétent "dans les affaires qui sont ou apparaîtraient d’une grande
complexité, en raison notamment du grand nombre d’auteurs, de complices ou de
victimes ou du ressort géographique sur lequel elles s’étendent " !
Ledit PNF finit cependant par ouvrir une information judiciaire confiée à trois
juges d’instruction pour éviter la prescription de ces faits anciens et parce
que, selon un proche du magistrat : "Eliane Houlette considère que
dans les affaires relativement simples, qui ne nécessitent pas de commission
rogatoire internationale complexe, le devoir de la justice est de passer
rapidement, sans s’enliser dans les dossiers". Autant dire que le
PNF reconnaît a posteriori qu’il n’était pas compétent pour déclencher
l’enquête. Dont acte.
Opération mains propres
Ce qui est nouveau, c’est la qualification juridique
retenue pour justifier l’intervention du juge pénal dans une pratique banale.
Est-ce à dire que désormais tout élu, fonctionnaire, collaborateur public ou
membre d’un conseil ou comité Théodule quelconque qui ne travaille pas en
proportion exacte de ce qu’un procureur estime nécessaire à sa rétribution
devrait en passer par la case prison au motif qu’il s’agirait d’un
« détournement de fonds » ? Ça promet du monde dans nos
établissements pénitentiaires déjà surchargés. Si les juges italiens en
faisaient autant à l’égard de tous les fannulloni dont la péninsule a
l’habitude de se moquer, l’opération mani pullite (mains propres) viderait tous les ministères, le Parlement et
les administrations territoriales du bel paese.
Chez nous, il faudrait d’abord faire une perquisition
de grande envergure au Conseil économique, social et environnemental où il est
de notoriété publique qu’une l’indemnité mensuelle brute de 3800 euros est
versée à 233 conseillers dilettantes qui ont l’habitude de quitter les quelques
très rares réunions auxquelles ils sont convoqués aussitôt après avoir badgé.
Chacun sait d’ailleurs que les membres des organisations
« représentatives » qui y siègent reversent une part de leur
indemnité à leur syndicat d’origine. Les nominations de « personnalités
qualifiées » y sont depuis toujours utilisées par le gouvernement en place
pour servir des prébendes à des amis de toutes sortes, souvent dépourvus de
toute qualification. La Cour des comptes a d’ailleurs constaté que le personnel
administratif de ladite institution jouit aussi, par voie de conséquence, d’un
temps de travail très limité.
En ce qui concerne nos assemblées parlementaires, les
professeurs de droit constitutionnel et de science politique, dont certains
thésards sont collaborateurs de députés ou sénateurs (ou ont eux-mêmes été collaborateurs
lorsqu’ils faisaient leur thèse), savent
bien que le travail de ces jeunes doctorants varie du zéro à l’infini selon
l’assiduité et les méthodes et moyens de travail du parlementaire lui-même. Tel
assistant va pouvoir faire sa thèse en un temps record parce-que son sénateur
« ne lui donne rien à faire » et qu’il peut donc passer tout son
temps à la bibliothèque du Sénat, tel autre n’arrivera pas à boucler son
doctorat tant il est « pressuré » par son député, à Paris ou dans la
circonscription. L’idée de faire intervenir le juge pénal dans la façon dont un
représentant de la Nation organise l’exercice de sa fonction est une nouveauté
parfaitement soudaine.
Sus au candidat anti-médias
La tradition d’autonomie des assemblées parlementaires
veut qu’elles fassent leur propre police et exercent elles-mêmes leur
pouvoir disciplinaire, notamment pour tenter (en vain jusqu’à présent) de corriger l’absentéisme. C’est le règlement de
chaque assemblée qui fixe ses règles de fonctionnement et prévoit, dans
certains cas, des sanctions à l’encontre des parlementaires qui enfreindraient
les règles, lorsque celles-ci existent. Or il n’en existe aucune portant sur
le choix, le temps, le lieu, la quantité et les modalités de travail des
collaborateurs parlementaires. Bien entendu, l’on peut toujours trouver que
le règlement des assemblées n’est pas assez précis et rigoureux. Mais la
correction et le contrôle de ces pratiques relève du seul parlement, comme
elles relèvent de l’entreprise dans le monde du travail ou du chef de service
dans la fonction publique. On ne peut pas incriminer pénalement tous les
comportements professionnels et confier au juge répressif le soin de traquer
partout les fainéants, les rêveurs, les désinvoltes ou les dilettantes.
Mais, rassurons-nous, le juge pénal n’a pas du tout
l’intention de généraliser cette intrusion qui ne concerne pas en l’occurrence
un parlementaire lambda, mais vise délibérément et exclusivement un député
« hors-norme » qui se trouve être, en effet, un candidat fort bien
placé à l’élection présidentielle. Et, de plus, il ne s’agit pas non plus de
n’importe quel présidentiable mais du vainqueur inattendu à la primaire de la
droite qui a déjoué les pronostics et surtout les préférences du complexe
médiatico-idéologique. Ledit candidat, par contraste avec son challenger investi
par les médias, n’est en effet pas adepte du multiculturalisme ni franchement
branché sur les droits des minorités.
Conservateur not dead
Pis encore, il assume ses choix qu’il revendique sans
céder au politiquement correct et se permet même de remettre à leur place les
journalistes effrontés qui l’agressent sur ses convictions. Il envoie
publiquement promener un identitaire antillais qui lui reproche son refus de
repentance et de réparation sur la colonisation et l’esclavage et fait de même
avec une militante lesbienne qui pleurniche parce qu’il entend remettre en
cause l’adoption plénière par deux « parents de même sexe ». C’est
dire que ce candidat se soucie comme d’une guigne des clientèles chouchoutées
par son concurrent bordelais. Et, comble de l’audace, ce notable de province
non-divorcé et père de famille nombreuse, ne trouve pas aberrant d’entretenir
de bonnes relations avec la Russie, laquelle est dirigée, comme chacun sait,
par un infréquentable dictateur hétérophile. Voilà donc où le bât blesse et
pourquoi il fallait tenter à tout prix de saboter sa candidature. François
Fillon n’est pas un banal parlementaire ayant simplement, comme tant d’autres
avant et après lui, recruté sa femme pour l’assister. Il est le candidat
conservateur plébiscité par les électeurs de son parti pour une élection
présidentielle qu’il a toutes les chances de remporter. Le complexe
médiatico-idéologique ne pouvait pas laisser passer cela. Un petit article
habituel du Canard Enchaîné ne
révélant rien qu’une pratique archi-courante au Parlement français et voilà la
procureure financière qui, telle la fameuse Carla del Ponte en son temps,
dégaine aussitôt son arsenal répressif.
Un Sofitel bis ?
L’affaire n’est pas sans en rappeler d’autres.
Récemment, on se souvient de l’acharnement inouï dont a fait preuve une juge
d’instruction à l’égard de Dominique Strauss-Kahn en inculpant l’ancien patron du FMI du chef
abracadabrantesque de "proxénétisme aggravé" ! Des années de
harcèlement judiciaire ont ainsi été infligées à DSK sur la base d’une
qualification farfelue que le tribunal a finalement condamnée dans un jugement
accablant pour l’instruction. Mais il fallait bien tenter d’avoir la peau de ce
mâle hétérosexuel blanc et riche, qui avait l’outrecuidance de vouloir se
relever de l’affaire du Sofitel. Plus loin encore, ceux qui ont moins de 40 ans
ne peuvent pas se souvenir de la fameuse affaire
de Bruay-en-Artois, dans laquelle il ne s’était agi, par la coalition
d’un juge et de médias militants, que de mettre à mort un notable de province,
coupable de son seul statut socio-culturel, exécré par une meute gauchiste
hystérique.
Philippe Muray nous manque décidément beaucoup dans
cette campagne présidentielle dominée par l’envie du pénal, les jaccuzateurs
et la peste justicière du département
fusion-inquisition.
Finalement il n’y a que Jacqueline Sauvage qui ait
bénéficié de la clémence d’Auguste.
Morale de la fable : mieux vaut tuer son mari que
d’embaucher sa femme. »
Anne-Marie
Le Pourhiet
Conclusion de la fable, sans aucun doute; morale... J'en doute.
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