Depuis la rentrée, le talk show star du samedi
soir enchaîne « buzz » et scandales systématiques selon une
mise en scène des échanges très révélatrice de l’évolution du climat
idéologique.
Certains se
consacrent à l’étude des insectes. Et ils acquièrent dans leur domaine une
grande expertise. Avec la même rigueur que les entomologistes, d’autres se
consacrent à l’observation des médias. C’est le cas de l’ojim
(Observatoire des Journalistes et de l’Information Médiatique), un site que je recommande.
Cette
dernière version en date du Cirque à Ruquier a amené l’ojim
à publier ce matin un article retraçant l’évolution
de la "culture" télévisuelle des origines à nos jours – disons depuis
cinquante ans. Evolution qui reflète parfaitement les inflexions successives de
l’environnement idéologique. Et "chaque mutation est un indice"… L’article,
long et passionnant, n’omet rien. Et on comprendra mieux – par exemple – que le
prétendu "dérapage" de Nadine Morano est exactement le contraire d’une
sortie de route.... Je vous invite à aller le lire en entier [ça
représente 4 pages A4] Vous en trouverez ci-dessous le
premier et le dernier paragraphe :
« Au temps de l’ORTF, soit la préhistoire de la « culture »
télévisuelle, la tendance, dans une émission politique ou culturelle, était
d’inviter un écrivain, un acteur, un responsable politique et de l’interroger
avec déférence sur des sujets qu’il connaissait et à propos desquels il ou elle
avait généralement quelque chose à dire. Voilà qui paraît aujourd’hui aussi
ahurissant que désuet, et pourtant… L’esprit libertaire qui soufflait dans les
années 80 offrit dans l’émission « Droit de réponse » de Michel Polac
sans doute les premiers grands « clashs » mémorables. Plus de
déférence, moins d’écoute, certes, mais une forme égalitaire du débat
respectant relativement les règles du jeu, et au cours duquel chacun, en buvant
et en braillant à travers d’épais nuages de fumée, avait réellement le droit de
dire ce qu’il lui plaisait et d’insulter qui lui chantait, le tout dans un
joyeux bordel dénué de réelle instance de censure ou de référent moral
comminatoire. Cela nous paraît aujourd’hui témoigner d’une licence
invraisemblable et antédiluvienne. Puis Thierry Ardisson, au cours des années
90, et Canal+ à sa suite, inventèrent une nouvelle mise en scène des
échanges. Non seulement, on se mit à mélanger des invités de milieux a priori
incompatibles et à traiter sur le même plan une starlette de 22 ans et un
député d’âge mûr, mais surtout, les invités cessèrent d’être les vedettes
évidentes de ce genre d’émission, pour devenir parfois de simples faire-valoir
de l’animateur lui-même et de son comique affidé. Au lieu d’accueillir comme un
prince l’artiste en promotion afin que son aura fasse rayonner l’émission,
celui-ci se trouvait relégué à constituer avec d’autres une espèce de cour
répartie devant le trône de l’animateur-roi attendant son tour d’audience.
Lorsque celui-ci venait, il se pouvait même que le ministre ou la starlette se
fasse malmener, que le roi exhibe son intimité ou que le bouffon du roi
l’humilie d’une plaisanterie douteuse.
(…)
Pour conclure, on peut remarquer que cette dernière mutation du dispositif
est aussi flagrante, radicale, qu’inquiétante. En effet, elle ne traduit ni
plus ni moins que la mise en scène, par un pouvoir idéologique, de sa tentative
désespérée de prolonger son usurpation. Au lieu d’ouvrir le cercle, la caste
médiatique le referme en public sur ce qui la menace, c’est sa manière ambiguë
de laisser s’exprimer ce qui discute son hégémonie tout en tentant du même coup
de l’étouffer. Certes, elle admet qu’elle n’a plus beaucoup d’intellectuels et
d’idées de son côté, mais une poignée de comiques certifiés conformes, de
pouffiasses parvenues, de crooners has-been et d’écrivains ratés,
résidus des plateaux télé mitterrando-chiraquiens, lui permet néanmoins de
faire nasse, du moins à l’écran. En attendant, les 80% de Français qui ne sont
pas ou plus de centre-gauche devraient déjà s’estimer heureux, comme l’affirme
Léa Salamé (tous les matins sur France Inter, tous les samedis soirs sur France
2), qu’on leur laisse parfois la parole… »
Le piège est flagrant et on comprend mal que des gens censés puissent encore accepter d'en être victimes.
RépondreSupprimerFrançois Fillon, plusieurs fois invité à ce type de spectacle, a fait savoir qu'on ne l'y prendrait certainement pas.
Ouh, désolé! Je n'étais pas censé écrire "sensés" de la sorte....
SupprimerBlaise
@ A l'attention du Nain : Navré, votre commentaire s'est perdu le trou noir de la machine. J'ai juste eu le temps de le lire et peux vous dire que la télé, ben euh la télé... est parfois riche "d'enseignements"^^
RépondreSupprimerPas grave. J'avais la télé chez mes parents, et déjà je ne la regardais que peu. Je ne l'ai plus depuis 37 ans, et elle ne m'a jamais manquée.
SupprimerLe Nain