L’apparition
de ces ustensiles désormais indispensables que sont les téléphones portables
multifonctions et autres tablettes qui ne sont plus en cire comme du temps des
pharaons, a favorisé et renouvelé la manie qu’ont les ventres pleins de se
regarder dans leur miroir. On appelle ça les selfies. Qui plus est, la
nature connectée des ustensiles
utilisés permet d’assouvir le geste d’impulsion en en faisant instantanément
profiter le monde entier, quitte à remplir les armoires (et accessoirement les
poches) d’Instagram, et subsidiairement en
inventant sans le savoir une nouvelle façon de vivre dangereusement pour pas cher.
Il
paraîtrait en effet que la pratique du selfie
est en totale contradiction avec le principe de précaution et le risque zéro.
De mon temps, la pratique de la photo, la photo tournée vers les autres, hein, n’était déjà pas sans risques,
surtout quand la rusticité des appareils sans grand angle poussait le photographe à reculer petit à petit mine de
rien… sur le mur où c’est qu’au pied duquel on ne voit pas toujours que le
maçon… Bref, le risque existait déjà mais on faisait avec, n’est-ce-pas,
puisque le risque, hein, le pote Cro-Magnon, qui se le coltinait chaque jour en
sortant de sa caverne, l’avait enseigné à ses enfants, et nos ancêtres à nos aïeux,
sans avoir besoin de Vincent Peillon et d’un alinéa dans la Constitution.
D’ailleurs,
les accidents dus à la photo étaient d’autant plus rares que l’inconscience des
pratiquants de la chose était inversement proportionnelle à la sécurisation des lieux présumée garantie
par la collectivité… Hormis le fait divers exceptionnel du couillon ayant
reculé d’un talon de trop sur la falaise ou le mur évoqué plus haut, les pertes
étaient le plus souvent bestialement matérielles. Je me souviens en particulier
avoir été témoin des secours qu’il a fallu prodiguer en urgence (sels, calmants, etc.) à une Japonaise sur la terrasse au
sommet du téléphérique de l’aiguille du Midi. Elle faisait comme beaucoup de
ses compatriotes son tour d’Europe en voyage organisé, sans doute le voyage de
sa vie subventionné par son entreprise. Elle l’achevait par la France où, après
Paris by night et les châteaux de la Loire, elle terminait par Chamonix avant d’aller
reprendre à Genève l’avion pour Tokyo. Elle avait un attirail photo au top.
Fascinée par le panorama comme par la main du serpent, elle a tout lâché… Non
seulement l’appareil, mais toutes les bobines argentiques de son périple depuis
au moins Londres ont fait une chute de 1.000 mètres, avalé par quelque crevasse
du glacier du Géant… Mais je m’égare.
Où
en étais-je ? Ah oui ! Il paraîtrait donc que les selfies tueraient désormais chaque année
de par le monde nettement plus d’homo sapiens que les requins. Dont acte. Et
encore, on ne comptabilise parmi les victimes que les photographes eux-mêmes.
Leurs voisins transpercés dans la foule par leurs perches à selfies ne sont que
des dommages collatéraux. Les circonstances des morts à déplorer sont si
multiples et variées qu’elles auraient enchanté Prévert : train, métro,
moto, vélo, table de bistro, balançoire, périssoire, avion de tourisme ou
paddock en baisant… Un rigolo s’est même
mis à collectionner les photos prises d’eux-mêmes par ceux qui vont mourir. L’intérêt
est moins souvent dans la tronche du de-cujus-après-le-flash que dans l’arrière-plan.
Par exemple, dans l’image de la fraction de seconde du clic de mise en boîte, on
ne peut définir si, dans cet instant, le type a percuté que l’ours grizzly
derrière lui – gentil nounours puisque résident payant son loyer en faisant de
la figuration dans un parc national – s’apprête à lui manifester sa mauvaise
humeur en lui déchirant la nuque et la cervelle d’un coup de patte… En
revanche, on voit très bien que le plantigrade n’aime pas plus que moi qu’on
vienne le titiller de trop près pour essayer de lui vendre un aspirateur.
Pardon,
c’était ma séquence humour noir…
Donc
les selfies ont mauvaise presse. Voilà sûrement matière pour faire une loi.
Perso je m’en fous.
Ceci-dit,
le photographe entraîne parfois quelqu’un d’autre dans la mort. Souvent l’être
qui lui est le plus cher, comme récemment au Portugal ce couple se tirant le
portrait devant le vaste océan… Et puis il y a les selfies de "groupe".
Là c’est souvent dans la foule, les pieds bien sur terre, et le "sujet"
de l’image ne risque rien. Enfin pas encore ; sinon parfois le risque de
ridicule et souvent le risque de ne pas être
à sa place…
Qui est le "héros" des 5 premiers selfies ?
RépondreSupprimerAh, excusez moi, je n'avais pas vu que c'était une vedette de la téléréalité :
http://www.elysee.fr/
Il parait que la chaine change prochainement de look (30 K€, mais c'est l'état qui paye).
Droopyx