Seif al-Islam Kadhafi, fils de son père et recherché par le Tribunal Pénal
International pour crimes contre l’Humanité (n’oubliez pas la majuscule) a dont été jugé cet été par le Tribunal de Tripoli,
ville aux mains de factions islamistes. Physiquement absent mais présumé
présent par visio-conférence, il a été condamné à mort "par contumace"
le 28 juillet au terme d’un procès controversé,
entaché de vices de procédure et orchestré par une coalition de groupuscules
islamistes dont la compétence est mise en doute Depuis, on est sans nouvelle de
lui. Capturé fin 2011 suite à la trahison d’un de ses hommes, on sait seulement
qu’il est détenu au secret, comme un trophée pouvant rapporter gros, par une faction
opposée à ceux de Tripoli et qui refuse de le livrer. [source Jeune Afrique
22 septembre dernier]
Eh bien figurez-vous qu’avant-hier Bernard
Lugan nous pond le papier que je vous reproduis ci-dessous in-extenso. Que
ça plaise ou non à certains que vous connaissez bien, Bernard Lugan est
suffisamment connaisseur et informé de l’Afrique au nord du Sahel tout autant
que soucieux de sa crédibilité pour ne pas écrire n’importe quoi. Lisez-le :
« Le 14 septembre 2015, un coup de tonnerre a retenti dans le ciel
serein des certitudes démocratiques européo centrées quand le Conseil suprême
des tribus de Libye désigna Seif al-Islam Kadhafi comme son représentant légal.
Désormais, voilà donc un fils du défunt colonel seul habilité à parler au nom
des vraies forces vives de Libye...
(Mes lecteurs) ne seront
pas surpris par cette nouvelle puisque, depuis 2012, je ne cesse d'écrire :
1) Que la pacification de la Libye ne pourra se faire qu'à partir des
réalités tribales.
2) Que le seul à pouvoir reconstituer l'alchimie tribale pulvérisée par
l'intervention militaire de 2011, est Seif al-Islam que son père, le colonel
Kadhafi, avait pressenti pour lui succéder, et qui est actuellement
"détenu" par les milices de Zenten.
Mes analyses ne procédaient pas du fantasme, mais du seul réel qui est que
:
1) En Libye, la grande constante historique est la faiblesse du pouvoir par
rapport aux tribus. Au nombre de plusieurs dizaines, si toutefois nous ne
comptons que les principales, mais de plusieurs centaines si nous prenons
en compte toutes leurs subdivisions, ces tribus sont groupées en çoff
(alliances ou confédérations).
2) L'allégeance des tribus au pouvoir central
n'est jamais acquise.
3) Les bases démographiques des groupes tribaux
ont glissé vers les villes, mais les liens tribaux ne se sont pas distendus
pour autant.
Le colonel Kadhafi fonda son pouvoir sur l'équilibre entre les trois grands
çoff libyens, à savoir la confédération Sa'adi de Cyrénaïque, la confédération
Saff al-Bahar du nord de la Tripolitaine et la confédération Awlad
Sulayman de Tripolitaine orientale et du Fezzan à laquelle appartiennent
les Kadhafda, sa tribu. De plus, à travers sa personne, étaient
associées par le sang la confédération Sa'adi et celle des Awlad
Sulayman car il avait épousé une Firkèche, un sous clan de la tribu
royale des Barassa. Son fils Seif al-Islam se rattachant donc à la fois
aux Awlad Sulayman par son père et aux Sa'adi par sa mère, il
peut donc, à travers sa personne, reconstituer l'ordre institutionnel libyen
démantelé par la guerre franco-otanienne. Mais pour comprendre cela, encore
faut-il se rattacher à la Tradition lyautéenne des "Affaires
indigènes" et répudier l'approche universaliste des "cerveaux à
noeud" du quai d'Orsay.
Aujourd’hui, les alliances tribales constituées par le colonel Kadhafi ont
explosé; là est l’explication principale de la situation chaotique que connaît
le pays. En conséquence de quoi, soit l'anarchie actuelle perdure et les
islamistes prendront le pouvoir en Libye, soit les trois confédérations
renouent des liens entre elles. Or, c'est ce qu'elles viennent de faire en
tentant de faire comprendre à la "communauté internationale" que la
solution passe par les tribus... Certes, mais la Turquie et le Qatar veulent la
constitution d'un Etat islamique et la justice internationale a émis un mandat
d’arrêt contre Seif al-Islam...
Le 12 octobre, avec son habituel sens de la clairvoyance, sa célèbre
hauteur de vue et son immense connaissance du dossier, BHL expliquera
certainement cette évolution de la situation libyenne aux auditeurs de l'IHEDN
(Institut des Hautes Etudes de la Défense nationale) devant lesquels il doit
prononcer une conférence de "géopolitique". Il est en effet bon que
les plus hauts cadres civils et militaires sélectionnés pour intégrer cet
institut prestigieux, puissent écouter les analyses des experts les plus
qualifiés... »
Bernard
Lugan - 24/09/2015
Bien
sûr, les choses étant ce qu’elles sont, ne vous attendez pas à ce que Seif al-Islam Kadhafi sorte demain de sa geôle pour
présider aux destinées de la Libye et discourir en son nom à la tribune de l’ONU.
Il ne va pas réunifier le pays. Ni lui ni personne d’autre d’ailleurs… Après la
connerie grandiose des "occidentaux" sur ce dossier, seul le Califat
que nous savons semble désormais encore pouvoir le faire…
Merci de citer cet historien, véritable encyclopédie vivante sur l'Afrique, que l'on voyait encore sur quelques plateaux au début des printemps arabes, et qui a complètement disparu des médias tant ses analyses allaient à contre-courant du main stream.
RépondreSupprimerEn effet. Entendre ou lire un discours rationnel qui rend compréhensible le sujet traité, quelquefois, ça fait du bien. C'est pourquoi je me suis abonné et réabonné à sa revue.
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