Combien ont disparu, dure et triste
fortune !
Dans une mer sans fond, par une nuit sans lune,
Dans une mer sans fond, par une nuit sans lune,
Elle s’appelait Océane. Peut-être
pas, d’ailleurs, tant il est d’usage d’indiquer entre parenthèses "le prénom a été changé" afin de "préserver la vie privée"… Quoi qu’il en soit,
Océane lui allait bien, n’est-ce pas ? C’est joli Océane ; séducteur
même. Un prénom pour une fille qu’on imagine les cheveux au vent, prête à
prendre le large vers des horizons lointains, des horizons ouverts sur tout.
Sur tout, c’est-à-dire, "quelque
part", sur rien… C’est joli
Océane. Certes. Un prénom pour qui ignore tout de son arbre généalogique, pour qui
ne sait rien de sa lignée. Et qui ignore tout de la litanie des Saints. Un
prénom ouvert sur l’étendue infinie de la planète bleue, sans culture, sans
racines ni béquilles sous un ciel où rien ne luit puisque si lumière il y a, elle
ne peut être qu’en nous…
De quoi les trop brèves dix-neuf années de sa vie ont été remplies ?
Je l’ignore, vous aussi, et c’est très bien comme ça. Laissons ça aux
enquêteurs et aux fouilles-merdes des médias, chacun selon son métier ou son
espèce. Mais il ne nous est pas interdit de nous en faire une idée.
On l’a dite originaire d’Etampes. Etampes
avec ses 25.000 habitants et la petite gare RER de l’Essonne proche d’Arpajon où
elle s’est jetée sous un train plantent déjà le décor : C’est la France périphérique
du rurbain subi si bien décrit par Christophe Guilly… Imaginons le reste.
- Elle a dû entrer à l’école sous Luc Ferry, ayant échappé de peu à Jack
Lang, et sortir du lycée déjà sous la divine
Najat après s’être farcie Vincent Peillon et Benoît Hamon, avec une pincée de Pau-Langevin pour
la réussite éducative. Demandez les programmes…
- Ses années d’adolescence ont été rythmées par tout ce que nous savons, du
"parce-que-je-le-vaux-bien" au mariage du même avec le même. Et, bien
sûr, du Petit Journal de Barthès à Koh-Lanta.
- Depuis, on nous dit qu’elle"
travaillait dans le social et notamment dans les maisons de
retraite", formule vague qui laisse supposer une situation probablement
précaire, peu rémunérée et certainement en manque de reconnaissance.
- Une situation personnelle, en tout cas, où la conjonction de la télé, de l’ordi,
du smartphone, du SMS, du touïtte, d’Amazon,
Ebay, etc. conduisent à une atroce solitude ceux qui n’ont rien reçu leur donnant la force de sortir d’eux-mêmes.
- Le goût d’Océane pour les tatouages et le piercing illustrent d’ailleurs
bien un besoin d’exister aux yeux des
autres. Décorer la façade, message narcissique pour tenter d’être reconnue, mais tentative désespérée, puérile
et vaine, puisqu’il ne s’adresse qu’à d’autres, garçons ou filles, qui ne sont
que des clones d’elle-même vivant leurs propres narcissismes non pas ensemble
mais en même temps, accessoirement dans un réel superficiel mais largement dans
le virtuel.
- Dans ces conditions, le moindre échec, notamment affectif (oui, ça existe et c’est fréquent
dans une vie) devient THE drame ! Et plus
rien ne compte quand on n’a pas les pieds bien ancrés dans la glèbe…
- Bref, on l’a décrite comme étant fragile…
Pôv’cons ! Comment aurait-elle pu
être solide ?
Elle a réussi sa sortie. Oui, elle l’a réussie puisque les centaines de
connards, voire plus, qui l’ont suivie
sur leurs écrans, "mobiles" ou non, ne sont pas prêts de l’oublier. Ce
n’est pas comme le dernier discours de Hollande. Pour eux, elle est brusquement
devenue quelqu’un (somebody, pas
anybody…) Elle n’avait rien trouvé d’autre
pour obtenir ce résultat. Ça vous étonne ?
La faute aux réseaux sociaux ?
Elle ne s’appelait pas Marie, Gabrielle ou Alexandra. Elle s’appelait Océane.
Vous avez très bien décrit sa pauvre vie. C'est le sort de beaucoup d'autres dans ce monde inhumain.
RépondreSupprimerJ-J s
Un billet d'une admirable vérité qui en dit long sur les turpitudes de notre monde moderne qui laisse nos jeunes se détruire avec ce qu'il enfante.
RépondreSupprimerOui, pauvre jeune fille, pauvre époque. Océane aurait peut-être dû vivre il y a longtemps, quand la vie avait un sens, quand on avait des valeurs (autres que celles dont Monsieur Valls se gargarise), quand on n'avait pas de RMI mais la solidarité de la famille et des proches ... et qu'il fallait sonner l'opératrice pour pouvoir téléphoner.
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