Dans
ce foutu présent sans souci d’avenir que nous imposent les nécessités prosaïques
de la vie quotidienne, je me sens parfois à côté de mes pompes et je ne suis
sûrement pas le seul. J’en cause parfois en bagnole avec Pluto qui m’accompagne
souvent, sagement assis à la place du mort. Mais je sens bien que mon alter ego
virtuel s’en bat l’œil, tant il est vrai qu’il incarne à lui tout seul la ruine
inéluctable de tous les fonds de commerce de cordonniers, fabricants et
marchands de chaussures.
D’où
me vient cette envie de vous faire part de mes méditations moroses ? Eh
bien l’occasion m’en a été donnée l’autre jour et j’en profite pour évoquer ici
autre chose que des journées mémorielles ou l’opéra-bouffe calibre 49-3.
Je
venais de raccompagner quelqu’un à la gare et traversais donc la ville-d’en-bas-dans-la-vallée
pour regagner les déjà vertes hauteurs de mon douar d’élection. Ce que faisant,
j’ai dû rester à l’arrêt le temps du feu rouge au droit de cette boutique
qui suscite chez moi un je-ne-sais-quoi de regret et d’amertume chaque fois que je passe devant.
Imaginez
le genre de boutique comme on en faisait dans les années 50 du précédent siècle
avec deux grandes vitrines aux cadres de bois ouvrant sur une façade
rébarbative au crépi gris-torpilleur défraîchi. Dehors sur le trottoir, des brouettes
et des râteaux comme à la parade (mais enchaînés, hein, faut pas déconner vu l’évolution
de la population…) Des
scies, des perceuses, des tronçonneuses et de la poussière exposées derrière
les vitrines… Et une porte donnant sur des profondeurs insoupçonnées d’une relative
obscurité. En l’ouvrant, on rompt le silence des lieux en faisant s’entrechoquer
le bouquet de bouts de tubes métalliques pendus au plafond. Cette quincaillerie
est une vraie caverne d’Ali Baba avec une succession en enfilade de salles où l’on
trouve tout ce dont on peut avoir besoin pour le bricolage, le ménage, le
travail du bois ou des métaux, celui du jardin, du champs, de l’étable ou du
grenier, de la vache ou du cochon... En dépit de la concurrence de la
coopérative et des surfaces dites spécialisées, elle est encore là…
Regret
et amertume, disais-je. Il est vrai que moins bricoleur que moi tu meurs et que
je n’ai que très rarement mis efficacement
les pieds dans cette vénérable maison. Pourtant, chaque fois que je passe
devant j’ai furieusement envie d’y entrer et de flâner dans les rayons ;
pour m’instructionner mais plus
encore pour le plaisir des yeux. J’y ai renoncé. Pour une seule et unique
raison : A peine a-t-on franchi la porte qu’un employé, brave type au
demeurant et, quoi qu’encore jeune, le genre en blouse grise avec le crayon de
bois jaune sur l’oreille, s’avance pour vous demander aimablement de quoi vous
avez besoin… Le truc parfait pour tuer l’ambiance !
Bien
que peu bricoleur, les besoins générés par mon castel et ses terres m’amènent (plus souvent qu’à mon
goût) à me procurer tel
ou tel produit ou outillage proposés en ce lieu. Je ne pense alors jamais à m’y
rendre et privilégie outrageusement les Mr Bricolage
et autres franchisés Veldom pourtant
parfois aussi éloignés du castel. Alors même qu’il y faut souvent des trésors
de patience pour arriver à y attraper un de ces vendeurs à temps partiel, payés
avec des élastiques mais en liquette à logo maison, pour lui arracher une info
ou un conseil pas toujours adapté…
Certes,
on n’est pas dans le même registre :
Dans un cas, on est dans celui de répondre à un besoin bestialement ancillaire
et barbant. Dans l’autre, il s’agit d’un plaisir, de satisfaire une nostalgie, d’une
envie de pittoresque, donc d’une forme de tourisme…
A
côté de mes pompes, disais-je. Je me sens vouloir le beurre et l’argent du
beurre. La clientèle de la vieille quincaillerie va s’épuiser et ses
fournisseurs et autres outilleurs vont cesser de la livrer pendant que
prospèrent les surfaces spécialisées. Comment conserver le patrimoine et le plaisir des
yeux ? En faisant un musée de la quincaillerie, en la
muséeifiant, en la taxidermisant avec des figurants comme à
Disneyland et une caisse à l’entrée.
On est en train de faire ça à Palmyre. C’est la bonne conscience des bobos.
Et
je me sens à côté de mes pompes. Nous
sommes tous à côté de nos pompes…
Très beau billet !
RépondreSupprimerEn tous points semblables, j'en connais une à La Neuve Lyre 27. Ne serait ce pas la même?
SupprimerNon, pas du tout. Celle-là est en "Auvergne-Rhône-Alpes" dans une ville de 16.000 hab. et je ne la vois pas changer depuis 40 ans (seul le matos en vente s'est rajeuni^^)J'en ai connu une autre du même genre en Ardèche mais, "perdue de vue" depuis 30 ans, elle n'existe sûrement plus.
SupprimerSur le bien connu,leboncoin,j'ai cherché une pince a avoyer(outil qui donne ou redonne un angle inclinaison a une lame de scie,cet angle est très important,non par sa precision mais le fait qu'il soit,je l'ai fais «au pif»et ça va)cette pince,un particulier peut-être en vend..en faisant «recherche dans toute la France»!
RépondreSupprimerJ'ai fais plusieurs magasins de materiaux,outillages,objet introuvable que cette pince!
Unlorrain.