L’autre jour dans la presse (ou sur le net, je ne sais plus) je suis tombé sur un titre aux allures de slogan :
" Abolissons le précariat ! "
C’est évidemment un sociologue incontestablement de référence qui causait (génuflexion, SVP) :
« il est peut-être temps aujourd’hui de commencer à repenser la précarité. On a eu souvent tendance à se la représenter comme une situation atypique ou provisoire. La précarité serait alors une étape dans un parcours professionnel. Mais si elle était en train de devenir un état ? Elle devient une condition permanente. »
Il retarde le mec. Deux remarques :
La première, c’est que ce VBR (Vieux Bonze Récurrent) de Robert Castel, disciple de Bourdieu, proche de Michel Foucault et depuis vingt ans directeur de l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales est toujours rémunéré à ce titre par vous et moi à 77 balais (la retraite à 60 ans c’est pour les autres…) Sûrement pour qu’il puisse nous apprendre aujourd’hui qu’il a découvert l’eau chaude.
Que je sache, la précarité est depuis la nuit des temps consubstantielle à la nature humaine. C’est le caractère le plus irréfutable de notre état et notre condition permanente à tous depuis le ventre de nos mères jusqu’à la certitude finale quoique d’échéance aléatoire… N’importe quel ouvrier agricole analphabète des siècles passés savait déjà ça sans passer par la rue d’Ulm…
La seconde, c’est que ce chercheur à la con à qui nous payons son traitement et, sans doute, l’essentiel de ses droits d’auteurs (qui d’autre que les bibliothèques universitaires achète ses bouquins ?), n’a même pas dû se fouler pour nous sortir ça ; il lui a suffi de parcourir distraitement les journaux comme vous et moi.
Car le précaire est à la mode. Il a été reçu au fauteuil du défunt prolétaire par l’Académie des mots-valise incontournables à l’immortalité aussi éphémère qu’à durée indéterminée. Comme le consommable a été chassé par le durable, le cercle des prolétaires disparus est utilement réincarné dans celui des précaires…
Déjà entubé par les notables rad-soc et SFIO avant même les années fric, sans voix quand s’est déchiré le rideau du Temple (présumé de fer), réduit à faire rugir le moteur au point mort de la Bastille à la Nation, le peuple de gauche est orphelin névrosé-célib’ et personne ne couche avec. Comme le chantait Cora Vaucaire, "mes lendemains, ce sont mes fêtes…" et tel le petit vieux à la Toussaint, il ne lui reste pour s’esbaudir qu’à aller fleurir la tombe d’un vague oncle dont la photo s’empoussière sur la cheminée (bien qu’il lui ait bouffé l’héritage) On a vu ça il y a trois jours…
" Prolétaires de tous les pays unissez-vous ! " Ouais mais ils sont contre la mondialisation ! Et le prolo usé par la mine a cédé la place au "CSPmoins" qui compte ses points de retraite, calcule la mensualité de l’écran plat, met de côté pour sa semaine chez FRAM et préfère sa carte Vitale à celle de la CGT. Pour la caissière d’Anchan et l’aide-soignant de la maison de retraite, voter DSK horizon indépassable ? C’est pas avec les dockers de Marseille et les empaffés emplumés de la Marche des fiertés qu’on fera le chiffre… Même en rajoutant les petits marquis de la rue d’Ulm…
Alors, fallait remplacer toussa. Mais par quoi ? Bien entendu, dans ce domaine comme dans d’autres, la politique commerciale doit conjuguer une vision stratégique et une tactique de terrain.
Pour la vision, la lutte finale est finie, les lendemains qui chantent déchantent et le moteur à explosion de la lutte des classes a épuisé son carburant (d’énergie non renouvelable…) Le choix fait en remplacement est astucieux et fort bien vu (sont pas cons les mecs) : Ce sera les Droits de l’Homme… Là, c’est le truc imparable. Les tenants de l’athéisme absolu ont eu l’intelligence de remettre en selle la Religion Impériale avec culte obligatoire sous peine de mort, inquisition, persécutions, etc. Pour faire bon poids et couvrir tous les segments de marché, on ajoute le culte de l’Environnement qui est d’autant plus cher aux ventres pleins qu’ils profiteront des offrandes faites au temple et seront exonérés des contributions aux sacrifices humains (d’autres offriront leur famine sur l’autel du carburant vert, par exemple…) Bref, les Droits de l’Homme + l’Environnement, mieux tu meurs (sic)…
Pour les basses besognes prosaïques au ras des crottes de chien, en revanche, c’était plus compliqué. Quelle main d’œuvre, quelle chair à canon faire marner dans les soutes de la gauche éternelle pour remplacer le prolo disparu ? Simple ! Main dans la main avec le MEDEF et tous les sales affameurs de la classe ouvrière, exploitons les zimmigrés ! Ouais… Sauf que les mecs en question n’en ont rien à foutre des Droits de l’Homme et du Care de Martine… En plus, ça commence à bien faire, au point que le bon peuple s’est mis à produire de détestables anti-corps au lieu de fermer ça gueule comme on le lui demande… Que faire alors ? Simple ! Précaires de toutes les ethnies unissez-vous !
Camarade, entends-tu monter le bruit sourd de Nikes et des babouches
des nouveaux prolétaires, tous ces précaires et ces divers
qui, tel un tsunami de sueur et de sang, va pulvériser le mur d’argent ?
Non seulement le concept est suffisamment vague pour se vendre à toutes les sauces, mais il est irréfutable puisque pouvant s’appliquer à tous dans l’espace et dans le temps. Le précaire est l’Avenir de l’Homme, DSK et Parisot l’avaient déjà pigé, Mélanchon l’a pigé et Robert Castel l’a recopié…
"abolissons le précariat !
RépondreSupprimerrétablissons le pré carré !
notre pré carré !
celui du précariat ...."
hu hu hu