A priori ça n’a rien à voir, mais je vais quand même commencer par vous raconter une histoire.
Je me souviens très vaguement de R., ce vieux monsieur qui me prenait sur ses genoux. R. avait eu deux fils (et une palanquée de filles) Sa vie n’avait pas dû être toujours facile. Elle n’était pas facile, en effet, y compris pour la petite bourgeoisie catholique, à l’époque où les allocations familiales relevaient encore pour longtemps du roman d’anticipation et où les fiches maçonniques et les caprices du petit père Combes bridaient les carrières des jeunes officiers de valeur… Malgré tout, tout seul comme un grand, encore jeune capitaine et déjà père de famille nombreuse, R. avait fait ce qu’il fallait pour élever les siens et son fils aîné avait fait Polytechnique. Lequel en était sorti pour… entrer illico au séminaire… Survint juin 40. Le jeune vicaire, officier de réserve, passera le dernier sur le pont après avoir mis ses hommes à l’abri. La bombe sera pour lui… Presque le même jour, à cent km de là, son frère cadet, mobilisé simple fantassin, fut fauché sur le ballast du chemin de fer par le tir d’un stuka… R. a perdu d’un coup ses deux fils pour la France. Il n’a pas été le seul, certes, mais il y a un détail que je tiens à rajouter : Durant les années qui suivront, de longues années, R. continuera de payer pour rembourser à la République la scolarité de son fils à Polytechnique… C’était comme ça.
En ce temps-là, la sensiblerie n’avait pas encore remplacé la sensibilité, ni l’émotion la raison. On était libre. Libre de ses choix mais on les assumait… Tu choisis, tu assume. C’était la règle et il en faut bien une. Quand on sort de Polytechnique, on doit tant d’années à l’Etat et ça se chiffre.
Imaginez maintenant une entreprise qui forme elle-même les professionnels très spécialisés dont elle a besoin. Que ce soit une structure associative sans but lucratif importe peu. C’est, de fait, une entreprise de spectacle et ce serait pareil dans l’industrie. Elle recrute donc des stagiaires ayant le profil requis et leur donne la formation longue et coûteuse qui fera d’eux des experts très recherchés dans la spécialité de l’entreprise. Imaginez qu’une fois formés, 80 % des recrues quittent illico la boîte sans rien lui devoir et sans même dire merci pour aller se faire embaucher par la concurrence…
Que fait le management de la boîte ? Il se pose des questions en réunion à huis clos, quoi de plus naturel ? Et que constate-il ? Que parmi les recrues, la majorité bénéficie d’un statut personnel particulier qui l’autorise à trahir la boîte en toute ingratitude. Ce statut personnel particulier tient-il à la race ? à l’ethnie ? à l’appartenance religieuse ? à l’orientation sexuelle ? Non. C’est juste à un avantage administratif parfaitement laïc dont bénéficient certains (et pas les autres), un privilège de naissance qui tarde à être aboli : celui de la double nationalité.
Dans le staff de l’entreprise, certains suggèrent donc, gênés et en chuchotant du bout des lèvres, comme une éventuelle piste, l’idée de pouvoir timidement se risquer à envisager de limiter quelque peu le nombre de ces privilégiés dans les embauches initiales.
Horreur ! Qu’est-ce quota fait là pov’con ? Médiapart a lu Stéphane Hessel et s’indigne au point de relâcher tous ses sphincters dans le microcosme et ça déborde sur tous les Ducon de base qui ne peuvent s’en torcher. Sans rien nous demander, le mandataire de l’actionnaire de fait (donc de vous et moi) s’émeut et suspend, les instances convoquent et ouvrent une enquête, le directeur opérationnel de la boîte et le recruteur en chef doivent démissionner et pointer au chômage, etc.
Quota, mot-valise. Faut pas confondre quota et quota ! Quota de femmes au Parlement, quota de diversité à Sciences Po, quotas de femmes-flics, de divers de diverses couleurs et d’homos dans les séries télévisées, etc. OK, c’est bien. Mais quotas ! Ce serait la cata !
Bien sûr, ce psychodrame est né du fait qu’un participant à la fameuse réunion a enregistré en douce la conversation et refilé (gratuitement ?) la bande à Médiapart qui s’est masturbé avec. Dans le conseil d’administration de n’importe quelle entreprise publique ou privée, l’administrateur auteur (et fier de l’être) de la fuite aurait été viré sur-le-champ pour avoir enfreint le secret professionnel et poursuivi en justice pour réparation du préjudice subi par la boîte…
Mais la "taupe" s’appelle Mohammed Belkacemi. Peut-être bénéficie-t-il d’ailleurs de par sa naissance du privilège noble évoqué plus haut. De toute façon, ce n’est pas un délateur ou un collabo, il n’a fait que son travail citoyen d’indicateur de la police de la pensée, nouvelle STASI oeuvrant pour la justice… Il faut sûrement l’en féliciter…
Un monde pareil, ça file les choquotas.
RépondreSupprimerTiens, ça donne une idée votre exemple.. Pourquoi ne pas plutôt demander le remboursement des années d'études et de formation? Ça existait autrefois dans le contrat des Ecoles Normales d' Instituteurs at personne n'y trouvait à redire.. Geargies...
RépondreSupprimerCa existe toujours, à l'école Polytechnique. Ceux qui "pantouflent" (vont dans le privé) doivent rembourser les frais de scolarité. Et ce sont les entreprises, évidemment, qui le font.
RépondreSupprimerEt pas seulement pour l'X et c'est normal. Mais pas touche aux Blacks-Blacks-Beurs !
RépondreSupprimer"il faut sûrement l'en féliciter...."
RépondreSupprimeret comment !
crachons donc son adresse sur le net , qu'on rigole !
certain qu'il risuqe certaines félicitations
Comme il y aura de plus en plus de Mohamed,
RépondreSupprimerBelkacémi ou autres, il y aura de plus en plus de
raison de se brosser de liberté d'expression.
Merci d'avoir traité la question de cette
manière, c'est digne.
L'avantage, c'est que c'est pas surpeuplé en Blacks, à l'X...
RépondreSupprimerIl y en avait un, un seul, sur les deux compagnies (près de 300 gus et nanas) qui défilaient le 14 juillet 2009...
à normale sup ( maths à ulm , là qu'il est le copain de ma fille ) , y en a pas un seul
RépondreSupprimerbon , on rigole , mais y en aura peut être un jour , hein , mais des blanchis de l'intérieur , des qui ont rien de commun avec cet esprit tribal , et paradoxalement ( mais peut être pas si paradoxal que ça ) imprégné de chougnasserie modernisante ( "c'est la faute à les autres , tous les autres" au moins , ils ont appris l'existence des autres , autrement que par les racontards des anciens du village )chougnasserie que nos zélites médiatiques et politiques se font un devoir de produire à haute dose ( la seule chose que sache produire un énarque en vronze , c'est du ressentiment , putain ,là , ils sont fortiches ! des champions , productifs et tout , bien comme y faut )
bientôt une raison sociale commune à l'ena , l'ehess et le cnrs ( section sciences sociales ) "nous fabriquons du ressentiment depuis 1968 , et nous le faisons bien"