"Si la capacité des cons à s'auto-éliminer ne doit pas être négligée, la volonté effarante du monde moderne et de l'Etat-providence à les sauver rend vain tout espoir de sélection naturelle"

"Il y a deux aristocraties : celle du haut et celle du bas. Entre les deux, il y a nous, qui faisons la force de la France.

mercredi 22 juillet 2015

Éloge du formalisme…



« Si d’un côté l’ordinateur nous a habitués à des procédures rigoureuses (ô combien !), de l’autre nous voyons s’effriter dans la vie sociale tous les usages qui structuraient nos relations avec nos semblables : les enfants n’appellent parfois plus leurs parents papa ou maman, mais François ou Nathalie, ils interpellent le voisin qui passe d’un « bonjour ! » qui faisait dire à mon père : « bonjour mon chien ! » Sur les enveloppes, on se dispense souvent de préciser si le correspondant est Monsieur, Madame ou autre chose.
Les formules de politesses des lettres sont souvent réduites à leur plus simple expression : « bonjour ! » écrivent les jeunes en tête de leur missive à leur professeur, etc.
On pourrait se dire que tout cela n’est pas bien grave et que l’absence de formule protocolaire n’empêchera pas la terre de tourner, ni les affaires de se faire. Chaque époque a eu ses usages, une génération nouvelle aura d’autres manières de faire et puis c’est tout... Pourtant, à y regarder de près, l’absence de « forme » est certainement préjudiciable à nos échanges et dérive d’un défaut plus grave qui est la difficulté à sortir de l’immédiateté pour accéder à des relations adultes. Cela fait partie d’une adolescence que nous avons tous traversée, mais dont nous sommes heureusement sortis, parce que nos parents nous ont fait la guerre pour nous tirer de l’indistinction dans laquelle nous naissons. C’est particulièrement le rôle du père de poser, comme on dit, l’interdit, d’ouvrir l’enfant à une communication adulte, en l’aidant à sortir du tout fusionnel.

Et c’est là que la forme est irremplaçable. Nous ne nous définissons pas à chaque instant par l’imprévu d’une relation personnelle, les gens que nous rencontrons exercent vis-à-vis de nous un rôle plus ou moins durable, ils ont une fonction, un rapport de parenté, un métier, un ministère, etc. qui nous concernent, notre relation avec eux en est marquée. Ne pas le reconnaître, traiter un homme comme une femme, un supérieur comme un camarade, un parent comme un ami, c’est aussitôt ramener la relation à ce qu’elle a de plus superficiel, ne voir que le résultat cherché, ce que nous voulons obtenir. La reconnaissance de l’autre suppose qu’on y « mette les formes », et qu’on prenne soi-même sa place dans la constellation des relations, là où se déploie toute une gamme d’attitudes allant du respect à la camaraderie, de la déférence à l’affection fraternelle.

Mais nous ne serons libres jusqu’au bout, capable d’orienter nos choix, qu’en reconnaissant la place qui est la nôtre et en acceptant de nous y inscrire de façon réaliste, pour porter du fruit. Et cela passe par l’acquisition d’un certain formalisme. Il ne s’agit pas de l’exagérer, en un temps où beaucoup de règles sont devenues de fait caduques. Mais ne perdons pas ce qui existe. Et surtout, dans l’éducation, ne capitulons pas devant le laisser-aller. L’apprentissage des codes de bienséance est une tâche que nous devons mener pour le bien de ceux qui nous sont confiés. »

Michel Gitton – 12 novembre 2010


4 commentaires:

  1. Marrant ce matin, j ai reçu une lettre, sur l enveloppe, pas de monsieur E; C., pas de E. C., juste un " à E. C. ", la missive venait.... du trésor public !

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  2. Chaque époque a son formalisme qui évolue. Nous ne pouvons pas comprendre le formalisme du Moyen-Age tellement il est éloigné de nous, chargé de symboles que des historiens sont obligés de nous expliquer, symboles gestuels et visuels d'une société qui ne savait pas lire. Le formalisme de la société du Grand Siècle échappe à ceux qui n'ont pas fait l'effort d'en apprendre les codes. Il en est donc de même pour celui qui a bercé nos vertes années et que les générations qui viennent ne comprennent plus. Toute chose évolue, et nous ne pouvons pas l'empêcher, même si nous le déplorons.

    Le Nain

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    1. Dont acte. Reste à savoir quels sont les "codes" des générations d'aujourd'hui. Ils existent, certes, mais quel mission leur est assigné pour quelle reconnaissance, connaissance et régulation de l'altérité pour le maintien d'une cohésion sociale, d'un "vivre ensemble" ?

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  3. C'est une bonne question dont je n'ai pas la réponse, je ne fais pas partie de la bonne couche géologique !

    Le Nain

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