"Si la capacité des cons à s'auto-éliminer ne doit pas être négligée, la volonté effarante du monde moderne et de l'Etat-providence à les sauver rend vain tout espoir de sélection naturelle"
"Il y a deux aristocraties : celle du haut et celle du bas. Entre les deux, il y a nous, qui faisons la force de la France.
dimanche 7 novembre 2010
Etat de guerre ? Mon cul !
La gamine jouant le rôle de Zazie dans le film de Louis Malle était encore un peu trop jeûnote pour que le Plouc-émissaire, du haut de ses quinze ans, ait alors envie de se la peloter dans un slow avec poutre apparente, histoire de lui apprendre la vie. Il n’empêche… Si l’héroïne de Raymond Queneau revenait aujourd’hui à Paris visiter enfin le métro, toujours aussi délurée et un chouïa salace mais avec sa tignasse plus sel que poivre et ses soixante ans bien sonnés d’expériences acquises dans sa province profonde, je me demande bien ce qu’elle aurait envie de dire à Gabriel. Dans quel bac à sable aurait-t-elle viré sa cuti ? Je ne sais…
Ce qui va suivre n’a rien à voir. La guerre, Zazie n’en avait (et n’en a sans doute encore) rien à foutre. Elle ne fait une fugace apparition nostalgique en préambule de ce billet que pour justifier le titre et nous fait toucher du doigt, en repensant au petit bouquin de Queneau, que l'ambiance qu'il décrit c'était hier mais déjà à des années-lumière… Je veux vous parler de la guerre.
Question préliminaire d’apparence débile : Quand est-on en état de guerre et quand ne l’est-on pas ? Durant les HLPSDNH (c’est à dire depuis toujours jusqu’à avant-hier soir) la réponse était fastoche. De nos jours, c’est plus compliqué. Mais le critère de base est inchangé : Pour qu’il y ait guerre, mon con, il faut qu’il y ait un ennemi. C’est quoi ça ? Chacun de nous fait quotidiennement l’agaçante expérience récurrente d’être environné, assiégé, emmerdé, par d’inévitables connards véhéments qui nous pompent l’air et le sang comme moustiques et sangsues. Il y a de tout ; des Séraphin Lampion, des Hilarion Lefuneste, des fâcheux, des collants aux paluches moites, des procéduriers, des rivaux en amour, des briseurs de carrière, des concurrents en affaires, des adversaires de toutes sortes, etc. Mais chacun d’eux n’est qu’un inimicus pour causer comme Cicéron, un enemy pour causer comme les Rosbifs… Alors, un ennemi, c’est quoi ? Je veux dire un hostis pour causer comme Cicéron, un foe pour causer comme les Rosbifs, un hostile pour causer comme nos marsouins dans la Kâpîssâ au nord de Kabul… Qu’est-ce qui distingue l’ennemi des guignols évoqués plus haut ? D’abord, puisque son existence est nécessaire, voire suffisante, pour que soit envisagée la survenance, en principe redoutée, d’un état de guerre, il s’agit évidemment d’un ennemi public, collectif, et pas d’un quelconque ennemi privé. Mais encore ?
Ne tournons pas autour du pot. Allons directement lire ce qu’écrivait Carl Schmitt dans La notion de politique :
"L’ennemi ne sera pas nécessairement mauvais dans l’ordre de la moralité ou laid dans l’ordre de l’esthétique, il ne jouera pas forcément le rôle d’un concurrent au niveau de l’économie, il pourra même, à l’occasion, paraître avantageux de faire des affaires avec lui. Il se trouve simplement qu’il est l’autre, l’étranger, et il suffit, pour définir sa nature, qu’il soit, dans son existence même et en un sens particulièrement fort, cet être autre, étranger et tel qu’à la limite des conflits avec lui soient possibles qui ne sauraient être résolus ni par un ensemble de normes générales établies à l’avance, ni par la sentence d’un tiers, réputé non concerné et impartial. (…) Dans la situation extrême où il y a conflit aigu, la décision revient aux seuls adversaires concernés ; chacun d’eux, notamment, est seul à pouvoir décider si l’altérité de l’étranger représente dans le concret de tel cas de conflit, la négation de sa propre forme d’existence, et donc si les fins de la défense ou du combat sont de préserver le mode propre, conforme à son être, selon lequel il vit."
Bon. Autrement dit, l’autre cesse d’être seulement autre pour devenir mon ennemi (incarné, concret…) dès lors qu’il se révèle être celui qui remet en question ce que je suis, dans mon existence même, et cela radicalement, totalement, (létalement…) Donc, sans me laisser d’autre alternative que la soumission sans condition (c’est à dire la négation, la disparition existentielle de ce que je suis) ou le recours à la violence, à l’état de guerre….
Et la guerre n’est pas une opération de police puisque sans recours possible à quelque arbitre ou règle du jeu que ce soit. Il n’est plus question de pantalonnades du genre riposte proportionnée, etc. Ou de pleurer sur des dommages collatéraux. La "guerre en dentelles" causait bien des dégâts, des souffrances et des morts, mais ce n’était pas la guerre ; c’était un truc d’aristos désœuvrés qui respectaient une même règle du jeu. La guerre est totale ou elle n’est pas et on y fait feu de tout bois. Reste à savoir qui, dans une communauté de destin, a la responsabilité de discerner, désigner l’ennemi et décréter l’état de guerre. Le pouvoir politique, évidemment… En principe…
S’agissant de ce dernier, reportons-nous à quelques lignes de Julien Freund dans sa préface de l’édition en français de l’ouvrage de Carl Schmitt cité plus haut :
"- J’avance à titre d’hypothèse une interprétation de la pensée de C.Schmitt qui montre son actualité. (…) Autrement dit, toute politique implique la puissance ; elle constitue un de ses impératifs. Par conséquent, c’est agir contre les lois même de la politique que d’exclure d’emblée l’exercice de la puissance, en faisant par exemple d’un gouvernement un simple lieu de concertation ou une simple instance d’arbitrage à l’image d’un tribunal civil. Et puisque par essence la politique exige de la puissance, toute politique qui y renonce par faiblesse ou par juridisme cesse aussi d’être réellement de la politique, parce qu’elle cesse de remplir sa fonction normale du fait qu’elle devient incapable de protéger les membres de la collectivité dont elle a la charge."
Mais j’en reviens à l’ennemi car il me faut encore évoquer ici un confusionnisme cognitif qui, de nos jours, handicape la capacité de discernement de l’homo postsapiens (le bisounoursus boboïdus festivus xénophilus quoique encore érectus comme diront les ethnologues…) : Sous l’effet d’un martèlement éducatif et médiatique systématique des grands principes justifiant l’hégémonie de l’Empire du Bien, l’homo postsapiens a perdu la notion du Bien Commun et ne voit dans l’autre (l’Autre surtout…) que l’individu dans sa dignité personnelle unique, artificiellement extrait de son être social, donc extrait du réel. Il en résulte que devant chaque fantassin de l’ennemi, il ne voit que l’homme. Et il ne fait pas l’amalgame. Bien sûr, c’est comme dans les tranchées de 1917. De chaque côté le même brave type qui a la même chiasse, la même peur au ventre, aime pareillement sa femme, élève aussi dignement ses gosses et voudrait bien être ailleurs. Il est seulement né de l’autre côté… Bien sûr, on ne peut pas le lui reprocher, personnellement. Seulement voilà : On est plus en 1917. Le gus veut légitimement "préserver le mode propre selon lequel il vit." Et ça, mon con, c’est au prix du tien. Même si le gars qui a peut-être été enrôlé de force voudrait bien être ailleurs. Mais l’homo postsapiens ne voit pas, ne veut pas voir, ne peux plus voir que le brave type n’est pas seul. Comme le chantait Michel Sardou :
De toute façon vous n’avez pas le choix de reculer d’un pas.
La gendarmerie est derrière, son artillerie en bandoulière…
A ce jeu là, l’homo postsapiens ne peut qu’actualiser le slogan que braillait déjà son père : "Plutôt Rouge que mort !"
Pourquoi toutes ces considérations plus ou moins académiques ? Simple petit rappel pour bien vous mettre la jugeote à peu près au carré avant de lire ce qui suit :
Figurez-vous que mon indécrottable charité chrétienne m’a conduit à héberger chez moi un gus bien plus exotique que ceux auxquels vous pourriez penser. Cet individu au look assez surprenant que je ne saurais décrire, haut comme trois mégots et à la carnation aussi verdâtre que translucide est au demeurant fort civil. Par facilité je l’appellerai le Martien mais j’ai compris qu’il venait de beaucoup plus loin… Le type est journaliste, travaille pour les plus grands média de son monde à lui et il est chez nous en mission pour son boulot. Et vous savez quoi ? Il est ici en qualité de correspondant de guerre !!! Chez lui, on sait que c’est ici la guerre !
Mais de quelle guerre il cause !? Il m’a fait patiemment un petit cours sur notre histoire vue de chez lui : Progressivement, toutes les nations développées, civilisées, innovantes, etc. ont perdu de vue l’origine de leurs fondamentaux et se sont laissées aller au fil de divers Anschluss et traités de protectorat à consentir de se placer sous l’édredon rassurant et reposant d’un Empire du Bien (EB) dont le mélange sirupeux de convictions de supériorité néocolonialiste démocratico-éthique et de repentance donne bonne conscience à ses composantes. Corrélativement, un ensemble aussi hétéroclite que cohérent d’autres sociétés s’est placé sous la houlette de ce que mon hôte appelle par political correctness la Communauté du Sud (CS ; mais on dit aussi أمّة ou Oumma, je crois…) Cet ensemble là se caractérise par trois facteurs : Un immobilisme absolu qui le rassure sur lui-même, une démographie prolifique qui dynamise son optimisme et un ressentiment qui conforte et valide sa volonté de puissance et d’impérialisme colonial nouvelle manière. Tout oppose ces deux entités qui ne se reconnaissent aucun arbitre commun possible. EB est donc confronté à l’obligation de faire la guerre à CS… Elle a commencé.
J’ai naïvement demandé à mon Martien auprès de quel camp il était accrédité comme correspondant de guerre. "- Mais les deux, capitaine Plouc ! J’ai pas de problème de check-point, le front est partout, il passe même par votre palier ce qui est pour moi bien pratique !"
Mon Martien est très consciencieux. Il expédie quotidiennement son papier sur l’état d’avancement du conflit et a la gentillesse de me laisser le lire… Il s’intéresse à tout car, rappelons-le, la guerre est totale ou n’est pas. Guerre économique, psychologique, morale, sanitaire, sexuelle, démographique, etc. Et ses papiers sont pleins d’anecdotes qui raviraient nos futurs historiens (s’il en reste encore…)
Par exemple :
- S’agissant de la guerre psychologique, l’EB évite de diffuser les violentes harangues d’appel au meurtre, quotidiennes et bestiales, des leaders les plus violents de la CS pour ne pas inquiéter les siens. En revanche, elle offre avec gourmandise une tribune aux porte-parole de la CS dès lors qu’ils paraissent présentables et rassurants (Tarik R. par exemple) Dans le cadre de sa politique de défense, l’EB s’emploie activement à poursuivre et condamner ceux des siens qui critiquent ouvertement la CS…
- S’agissant de la guerre économique, l’EB veille à octroyer des prêts à taux zéro sans perspectives de remboursement aux structures étatiques de la CS afin de leur permettre de s’équiper et de nourrir leurs populations. Chez lui, l’EB subventionne à tour de bras les implantations à finalité ouvertement militaire de la CS et lui fournit même gracieusement des terrains…
- S’agissant de la guerre sanitaire, l’EB soigne gratuitement tous les fantassins de la CS qui se présentent et accueille leurs chefs pour leur faire bénéficier des soins les plus sophistiqués. En corollaire, l’EB veille à réduire autant qu’il le peut la couverture sociale de ses ressortissants en renforçant sa politique de déremboursement …
- S’agissant de la guerre démographique, l’EB confirme son intention de placer les Allocations Familiales des siens sous conditions de ressource. En revanche, l’EB ne semble pas envisager de restreindre la possibilité pour la soldatesque féminine de la CS de faire valoir son droit à la gratuité totale des traitements d'aide médicale à la procréation…
Je comprends mieux pourquoi, durant nos conversations vespérales, tout en éclusant mes réserves de Dalwhinnie 15 ans d’âge, mon Martien cherche à comprendre comment nos cerveaux son fabriqués. A voir son air de perplexité, je crois qu’il commence à piger que, avec moi, il n’est pas tombé sur le bon spécimen pour avoir une explication…
La collection complète des papiers que mon Martien envoie quotidiennement à sa Rédaction pourrait donner matière au synopsis d’un film ambitieux qui ferait date ; on pourrait en faire une grande fresque genre Guerre et Paix ou Le Docteur Jivago du XXI° siècle (ou un film d’épouvante de série B) Mais n’y comptez pas. L’oscar du metteur en scène le plus abscons a beau faire l’objet chaque année d’une compétition acharnée, le scénario est trop invraisemblable pour trouver preneur. Je vois d’ici les critiques à la sortie en salle (je parle des critiques des critiques, pas de celles des plumitifs vaniteux de Télérama ou de Libé qui ne savent que copier-coller ad nauseam les mêmes mots que nous savons…) La critique unanime, donc, dirait sûrement à peu près ceci : "Intrigue simpliste et manichéenne où les protagonistes de la Communauté du Sud évoluent systématiquement dans un contexte moyenâgeux stigmatisant avec des scènes dignes des plus mauvais Conan le Barbare ou films gore. Quant aux réunions d’état-major de l’Empire du Bien, on se croirait dans un salon de thé de vieilles retraitées filmé à l’heure creuse de l’après-midi par une caméra de surveillance…"
Il fut un temps où l’on parquait les petites mains de la 5° colonne et les défaitistes dans des camps et où l’on fusillait allègrement les déserteurs, les collabos et les traîtres. C’était des temps barbares. C’est bien fini tout ça, n’est-ce pas ?
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Bon scénario.
RépondreSupprimerPeut-être un peu long; j'ai manqué abandonner en cours de route.
Moi , c'est un des derniers mots : " collabos " qui m'interpelle...collabos (politiqueux et médias )à cette situation , effectivement , de " guerre sans coups de canons "
RépondreSupprimerCertes , si on devait les regrouper , il faudrait beaucoup de place ....au moins un très grand stade ...