Donc, après avoir
confié dans un discours officiel la « "fascination"
de sa génération pour le régime castriste », le chef de l’Etat est
allé baiser le soulier de Sa Sublime Grandeur Scintillante Fidel Castro,
dernier Pontifex Máximo de l’espérance fracassée mais pas du tout fantasmée de
la Parousie stalinienne...
Ce voyage officiel à
Cuba était-il opportun ? Il l’était. Pourquoi ? Même si on n’a à leur
vendre que du savoir-faire hôtelier et
des produits alimentaires en excédent depuis l’embargo russe à défaut de
Rafale, Mistral, Airbus et autre EPR, c’est un pays comme un autre où s’ouvrent
des marchés. On fait bien risette aux chinois et aux satrapes du Moyen-Orient.
Contraint et forcé par le réel, Cuba semble en train de devenir une dictature, certes
aussi féroce que la chinoise mais seulement
une dictature. Oui, progressivement et sans encore rien toucher aux symboles, une
simple dictature. Jusqu’à avant-hier
soir, il ne s'agissait pas d'une dictature genre Tiers-Monde qui s'enrichit et
combat ses opposants. Le castrisme était un véritable projet totalitaire
d'ordre communiste : collectivisation, parti unique, chef unique, idéologie
unique obligatoire et éducation centrée sur le formatage d’un homme nouveau… Aujourd’hui,
le régime est à genoux et sait au vu des cours du baril que la perfusion de pétrodollars
du Venezuela est à sec. Pour rester aux affaires, la clique au pouvoir est donc
en train de tenter l’option choisie avec succès par le Parti Communiste Chinois…
Bien sûr, pour la démocratie on
repassera, mais ce n’est pas notre problème…
Reste la visite à Fidel… Voilà un type de 88 ans, diminué et médicalisé, qui n’occupe
plus aucune fonction officielle, pas même honorifique, dans le pays. Ce n’était
donc même pas une obligation protocolaire ; juste une visite à une icône momifiée
pour lui baiser le pied par dévotion
publique. Pas même une visite privée :
Accompagné à nos frais par son conseiller diplomatique et, sans qu’on sache
pourquoi, par J-P Bel, viré l’an dernier du Sénat et de sa présidence et qu’il
faut bien occuper…
Comme il a dit l’homme
au pédalo : “J’avais devant moi un
homme qui a fait l’histoire" et, avec son phrasé particulier : "Je sais ce qu'il a pu représenter aussi pour
des peuples, y compris en France, et donc il y avait cette volonté de ma part
d'aller vers lui, comme lui il voulait aller vers la France" Du
grand n’importe quoi…
Bon, sur le sujet, l’essentiel
a bien été dit ce matin par l’ami Corto. Je ne vais donc pas venir en ajouter à
son indignation.
Je voudrais évoquer ça
sous un autre angle, celui de cette espèce d’excitation émotionnelle qui
saisit chez nous les élites, les pisse-copies et les masses imbéciles chaque
fois que n’importe qui renverse un simple
dictateur exotique quelque part, et de préférence loin… C’est le syndrome des
printemps…
C’est un prurit de
romantisme. Il y a deux phrases que je retiens : Celle de Maurras disant :
"Le romantisme, voilà l’ennemi !"
et celle de votre serviteur disant un jour dans un bistro : "On trouvera toujours des Antigone, des Créon
c’est moins sûr…"
Vous avez tous en
mémoire les Printemps arabes :
Tunisie avec le Jasmin, Egypte, Lybie, Syrie… et l’engouement que ça a suscité
chez nous. Racontez-moi la fin du film… Il y a eu aussi le Printemps Orange en Ukraine recyclé en Maïdan…
Mais moi qui ne suis
plus un perdreau de l’année, je pourrai vous en rappeler d’autres. Bien sûr,
tous n’ont pas tourné à la catastrophe. Mais le prurit du romantisme qui
remonte chez nous au XIX° avec les espoirs d’indépendance de la Pologne et de
la Grèce s’est progressivement dégradé. Bien sûr, il y a eu le printemps de
Solidarnosc. Bien sûr, aussi et avant ça, il y a eu le Printemps des Œillets au Portugal pour renverser Salazar. Je m’en
souviens très bien et ça ne s’est pas passé sans moult lynchages…
Enfin et surtout, je
me souviens des photos de reportage en noir et blanc dans Paris-Match à la
gloire de Fidel Castro et de ses barbus dans la sierra Maestra. Tout l’établissement parisien et germanopratin
se pâmait devant le macho viril à cigare qui allait forcément renverser Batista et amener
la démocratie sur l’île…
J’avais 15 ans quand
Castro a pris le pouvoir à La Havane. Hollande, lui, n’avait que 5 ans. Il n’a
connu de la férocité totalitaire castriste que l’indulgence mâtinée de
nostalgie post-léniniste qui prévalait dans les années 70 et 80, les années Mitterrand
dont la femme était en France une groupie assumée du Lider Máximo…
Peut-être Hollande n’a-t-il
fait cette visite que comme une génuflexion de dévot pressé ; sans doute l’a-t-il
faite à nos frais comme un touriste
qui ne va pas rater de se faire prendre en photo devant un temple d’Angkor où
il n’ira qu’une fois dans sa vie ; mais plus probablement, il l’a fait parce
qu’il a naïvement pensé avec ses communicants que ça renforcerait à sa stature internationale…
Il y aura d’autres Printemps…
"Tout l’établissement parisien et germanopratin se pâmait devant le macho viril à cigare qui allait forcément renverser Batista et amener la démocratie sur l’île… "
RépondreSupprimerIls se sont aussi pâmés pour l'arrivée au pouvoir des khmers rouges, D. Mitterand en tête.
A chaque fois qu'un type qui s'autoproclame révolutionnaire et de gauche prend le pouvoir, cela va être un miracle pour la démocratie et l'humanité....
Droopyx