J’écoutais distraitement aujourd’hui – sur France-Cul’ je crois – les
Du
coup, je me suis mis à repenser à cette pauvre classe ouvrière et au rôle que
les prébendiers du système s’échinent à faire tenir en toutes occasions à son
cadavre squelettique ressorti vaguement dépoussiéré des pages jaunies de Zola,
des trente glorieuses ou des riches heures staliniennes.
Tous
autant qu’ils sont, notables bourgeois du syndicalisme sédimentés dans l’intouchabilité
de leur statut, politiciens-de-niche de l’ultra gauche ou
politiciens-de-gouvernement de droite comme de gauche, tous raisonnent toujours avec des logiciels fin
XIX° vaguement rapetassés à l’aide des cultes du Front Popu et des lois de 1945. Depuis,
hormis des ravalements de façade il n’y a rien eu de nouveau.
Evidemment,
à part les plus attardés des potes de Mélenchon, plus personne n’ose parler
ouvertement de "classe ouvrière", et même pas de "classe"
tout court. Au mieux, on dira peut-être "masse laborieuse" chez les
gauchos et "milieux modestes" chez Macron-Juppé-Marine... Mais, l’un-dans-l’autre,
tous causent encore de ça avec-Zola-au-fond-des-yeux et la certitude que la
pérennité de leur position sociale et/ou leur avenir électoral dépend de leur
capacité à promouvoir et favoriser les sans-dents.
A cet égard, non seulement ils ont tous un train de retard puisque la classe
ouvrière n’existe plus, mais ils en ont déjà deux puisque la classe moyenne n’existe
plus non plus…
Les
notions de "classe" ou de "masse" n’ont de sens que pour
évoquer un "groupe" suffisamment cohérent, homogène, pour faire
communauté, faire corps et réagir en conséquence. La notion de "milieu"
est certes moins éloignée du réel d’aujourd’hui mais n’a de sens que
sociologique et statistique sans aucune portée pour l’action.
Regardez
ce qui s’est passé :
-
Avant-hier soir (pour
moi qui vous cause mais on dirait une éternité…), vous aviez le flot de types avec casquette, musette et
vélo à la main qui franchissaient à la même heure les grilles de la Régie
Renault ou de l’usine de fonderie sous le regard soupçonneux du pointeau et,
surtout, des délégués syndicaux. Pareillement, vous aviez les femmes, jupes à
fleurs, socquettes et fichu sur les cheveux, qui franchissaient les portes de l’usine
textile… Certes, les soirs de paie, les mecs faisaient un détour au bistro (il faut bien que le
gosier exulte !) où
l’on refaisait le monde (ou
la tronche du contremaître),
mais, au final, hommes et femmes regagnaient leur HLM dans le 18° ou à
Saint-Ouen…
-
Aujourd’hui, vous avez quoi ? Le chauffeur livreur, seul dans son fourgon,
avec sa fiche de livraisons à faire, son GPS et le souci de devoir justifier
les minutes passées en trop pour regagner le dépôt en fin de tournée.
Pareillement, vous avez la vendeuse de prêt-à-porter en CDD à temps partiel,
seule avec sa patronne dans la boutique franchisée Pimkie… Et au final, homme
et femme n’ont qu’une hâte : plonger en vitesse dans la bouche de métro
pour regagner leur petit pavillon en placo au terminus du RER…
-
Et, sans même attendre demain, le salariat va s’uberiser vitesse grand V. Hors responsables d’équipes, par exemple,
les entreprises du bâtiment n’embaucheront plus sur les chantiers des ouvriers en
CDD, mais feront appel à des autoentrepreneurs ; plus de fiche de salaire,
de charges et de convention collective ; juste un contrat de service, une
facture et que le type se démerde. Le "CDD de projet" en est une
première approche...
Comment
voulez-vous les tenir avec ça ?
D’autant que l’effet conjugué des baisses de dotations budgétaires aux
collectivités et les basculements de majorités aux municipales ont fait
disparaître les mises à disposition de cars à l’œil pour les emmener défiler de
la Bastille à la Nation !
Malgré
toussa, malgré le maintien, sous
divers prétextes bidon comme la gestion paritaire de la formation, des droits
acquis à la manne subventionnaire pour entretenir les prébendiers syndicaux ("ouvriers"
et patronaux), la "classe
ouvrière" n’existe plus en tant que masse
de manœuvre… Vous me direz que Terra
Nova l’a compris depuis longtemps. Eh ben non ! Ils n’ont rien
compris. Ces têtes d’œuf n’ont pas plus cogité qu’un élève de 6° rédigeant sa
première dissertation : Bien sûr, ils savaient qu’il leur fallait
remplacer la classe ouvrière par autre chose ; ils ne l’ont pas inventé
puisque c’était ça le sujet de la dissert’ ! Et sur leur copie, en s’en
tenant au cadre laissé par les grands anciens donné par le prof, ils ont
simplement, bestialement, remplacé le terme "classe ouvrière" par ce
qu’ils avaient sous la main : "immigrés-banlieue" et "élite
bobo"… Sans se poser vraiment la question de savoir si ça fonctionnait pareil…
Bon.
Une fois que j’ai dit tout ça, il nous reste à inventer le logiciel
politico-social qui pourrait répondre aux besoins et aux enjeux d’une société
économiquement viable pour tous dans une manière de vivre-ensemble identifiée
et cohérente. Et cela pour la première moitié du XXI° siècle (ne nous avançons pas
plus loin…)
Le
moins que l’on puisse dire, c’est qu’avec la short-list de as-been formés
dans les années 60-70 du précédent siècle qui se profile pour 2017, nos enfants
ne sont pas rendus…
Tenons-nous
en donc à la nostalgie en déposant une bougie et un petit bouquet de fleur sur
la tombe de la classe ouvrière. Pour sa contribution à ce que nous sommes
aujourd’hui, elle le mérite plus que les morts du Bataclan…
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