Commandeur de la Légion d’honneur et
dans l'ordre des Arts et Lettres, Grand mécène de la Kultur, Initiateur et
combattant inlassable des plus grandes avancées sociétales, Paul Gerbé rendit son âme au Prince de ce monde la veille de son 100°
anniversaire…
Dans la chambre d’hôpital, seul
auprès de lui, Schemeun venait d’écraser furtivement une larme et lui tenait la
main lorsque la sinusoïde hoquetant sur l’écran s’est aplatie pour trouver
définitivement le repos. La nature finit toujours par avoir le dessus.
La nature,
justement… Bien sûr, une foule de
guignols accompagna son tas de viande froide au Père Lachaise, souvent par
curiosité mondaine. Mais c’était sans attendre que les administrateurs de la
Fondation et la mouvance s’étaient
déjà réunis informellement et dans la discrétion par respect pour le deuil,
afin de débattre de l’avenir ; de leur avenir.
Car ce jeune morveux de Schemeun
Sweborg à peine âgé de vingt-et-un ans se retrouvait non seulement seul et
unique héritier de la fortune Paul Gerbé mais aussi le Président incontournable
de la Fondation.
Comment se
débarrasser de lui ?
L’occasion
leur fut donnée par une gaffe involontaire de Schemeun dans ses décisions de
gestion. Le truc imparable auquel il ne s’attendait pas.
Pour
comprendre, il faut revenir aux heures les plus sombres de notre histoire et à ce
qu’on appelait encore il y a peu le "dossier Baltchukovic". Igor
Baltchukovic, alors âgé de quatorze ans était commis de cuisine au mess des
officiers SS Totenkopf du camp d’extermination d’Auschwitz. Il les servait à
table et leur rendait de menus services. La dernière fois qu’il a été aperçu, en
janvier 1945, il portait une capote feldgrau au milieu d’un groupe d’une
douzaine d’individus qui couraient en débandade dans les bois pour tenter
d’échapper aux grenadiers mongols de l’Armée rouge qui les tiraient comme des
lapins… Son corps n’ayant jamais été identifié et comme - en 245 - il n’aurait
que 103 ans, il pourrait encore être vivant… Or le nom d’Igor Baltchukovic, choisi
un peu par hasard, avait été ajouté en 2014 sur les listes Klarsfeld pour
justifier les frais de déplacement d’un journaliste d’investigation. Et il
restait le dernier pour qui, bien évidemment, les recherches n’avaient pas
abouties…
Il existait
alors toujours à Paris une officine dédiée à la chasse aux nazis qui rémunérait
deux emplois fictifs et payait le loyer de 80 m² de bureaux virtuels. Même si de
rares et très modestes dotations budgétaires subsistaient çà et là, oubliées
par la Knesset ou Bercy dans la routine des "services votés" de
certains ministères, l’officine ne survivait que grâce à une généreuse
subvention de la Fondation Gerbé.
Ayant bien
appris les leçons de Paul en matière de gestion rigoureuse et sans états d’âme
quand il s’agit de fric, Schemeun supprima d’un trait de plume ladite officine de
la liste des "clients" de la Fondation.
Il ne savait
pas que la Shoah n’a pas de date de péremption…
Ce fut un
scandale. Créé de toute pièce, cette tempête dans un verre d’eau fut montée en mayonnaise
par quelques journalopes prébendiers de la mouvance.
Dans des tribunes enflammées, les autorités
morales condamnèrent avec fermeté
son mépris pour toutes les victimes de la barbarie, etc.
Bref, Schemeun
dut démissionner de la présidence exécutive de la Fondation.
Complètement
écœuré, Schemeun était quand même suffisamment finaud pour négocier au mieux de
ses intérêts une mise au clair de ses engagements financiers vis-à-vis de la
Fondation. Il savait assez de choses sur les magouilles de la mouvance pour la forcer à se calmer.
Lesté d’un
patrimoine résiduel et de revenus très consistants, il fit les arbitrages
financiers nécessaires pour couper les ponts avec ses anciennes relations de l’entourage
de Gerbé et déménagea.
Ensuite, Schemeun
Sweborg ne fit plus parler de lui et disparut des écrans radar.
( à suivre... )
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