"Si la capacité des cons à s'auto-éliminer ne doit pas être négligée, la volonté effarante du monde moderne et de l'Etat-providence à les sauver rend vain tout espoir de sélection naturelle"

"Il y a deux aristocraties : celle du haut et celle du bas. Entre les deux, il y a nous, qui faisons la force de la France.

mardi 15 octobre 2013

Le beau jouet nouveau est arrivé...



N’allez pas croire à quelque coup de foudre ou à quoi que ce soit du même tonneau. Le cynisme et le mépris pour le commun de ses semblables ont toujours mis Paul Gerbé à l’abri de ce genre de pulsion infantile. Mais il avait passé toute sa vie à dénicher de nouveaux talents dans les domaines les plus variés, chaque fois pour s’en saisir à leurs débuts, les façonner à sa main et les posséder, au point d’en devenir lui-même l’auteur. On ne se refait pas. Et son regard de chasseur n’avait guère perdu de son acuité avec l’âge. Or, intrigué par les éclats de voix à l’entrée, il avait tout de suite vu, en retrait derrière ces deux connards qu’il supposait être ses parents, que ce jeune garçon n’était pas banal

"- Laissez passer, je m’en occupe…"

Paul Gerbé prit Sabrina Zorglub par le bras. Aux yeux des témoins, c’était un geste mondain et galant pour accueillir le couple et l’introduire dans la réception avec une attention due au gratin. En fait, cela ne visait qu’à l’écarter pour pouvoir toiser Schemeun de pied en cap et s’adresser à lui en premier :
"- Ainsi, jeune homme, vous vous intéressez aux dernières avancées de l’Art ? "
Assez déstabilisé, Schemeun s’apprêtait à répondre un peu n’importe quoi mais il n’eut pas le temps d’articuler plus que le pronom de la première personne du singulier. S’imposant comme pour sauver la face à un benêt mongolien - et croyant surtout sauver la sienne - Sabrina l’interrompit et se lança à la cadence d’une mitrailleuse dans un monologue qui brassait pêle-mêle les difficultés d’un enfant surdoué (elle n’en savait rien…), sa double nationalité, sa curiosité artistique (?), la compétence et le rôle présumé de sa mère en faveur de l’art contemporain, etc., etc.
Atterré, Gerbé la laissa dire un moment et (quoique l’oxymore soit un peu risqué) se noyer dans un Everest de ridicule…  Il allait couper court et se débarrasser de cette connasse ainsi que du bellâtre et du morveux qui allaient avec quand Schemeun interrompit la litanie et s’imposa : 
"- Je peux en placer une ?"

Après tout, c’était à lui que s’adressait ce vieux type dont il n’avait jamais entendu parler. Et la tirade de Sabrina Zorglub avait eu un double avantage : Lui donner le temps de construire mentalement ce qu’il voulait dire pour répondre à la question et, en servant de base de comparaison, lui permettre à moindre frais… de paraître intelligent et cultivé.
Privé d’affection maternelle et jeté dès la plus tendre enfance dans une vie de collectivité où ses semblables ne se faisaient pas de cadeaux, Schemeun Sweborg était beaucoup plus mûr que son âge pouvait le laisser paraître. Très observateur, doué d’une grande vivacité d’esprit, avec une capacité de discernement percevant déjà des nuances habituellement non décelées par les jeunes de son âge, il pouvait être surprenant. En outre, non content d’être un bon élève en 4°, il savait profiter pleinement des spécificités de sa boîte d’enfants de privilégiés où l’on insistait sur les humanités classiques, l’art et l’histoire… Quant à son vocabulaire, il dominait de loin par sa richesse et sa précision nuancée celui des meilleurs élèves d’un bon lycée des beaux quartiers.
Bref, nul ne sait ce qu’il a alors dit à Gerbé, mais ce dernier a été subjugué…

Evidemment, Paul Gerbé fut ensuite happé par ses obligations d’hôte, son discours sur le podium aux côtés de Farukami-Sturp et les cohortes d’imbéciles qui le pourchassaient de leurs assiduités mondaines…Les journalistes les plus à l’affût remarquèrent pourtant toute l’attention qu’il portait à cet adolescent inconnu qu’il semblait tenir à garder près de lui. A plusieurs reprises ils l’ont vu le questionner et écouter attentivement ses réponses. Profitant même d’un moment où un historien de l’art cacochyme ne lâchait plus le micro, bavassant sur l’irrépressible indispensabilité du Nouvel Homme exposé, il s’était discrètement éclipsé pour aller monter et commenter au gamin quelques unes des œuvres classiques des collections permanentes du musée.  
Mais ils se gardèrent bien d’en faire état. Après tout, la vie privée des gens est taboue. Surtout celle d’une personnalité comme Paul Gerbé, quand même autrement respectable qu’une Marion Martiale-Lepène, la harpie de 37 ans écrasée par Abderrahmane aux dernières présidentielles et dont toute la presse people comptabilisait les amants supposés…

Paul Gerbé, fit faire dès le lendemain une enquête sur la givrée yankee qui tenait lieu de mère au garçon et convoqua des Zorglub stupéfaits de ce qui leur arrivait. Evoquant le fort potentiel de Schemeun, il proposa de s’occuper personnellement et à ses frais de lui faire passer auprès des meilleurs spécialistes tous les tests de QI et d’orientation indispensables. Puis, le cas échéant, de lui assurer le cursus de formation de haut niveau le mieux adapté…

On ne résiste pas à Paul Gerbé.
( à suivre... )

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