Ce 18 Dix, François
ne pouvait pas s’arrêter d’y penser.
Rue Guy
Môquet, adossé au distributeur de préservatifs, il faisait la manche à la porte
de la pharmacie. Les gens passaient en baissant les yeux, pressés de rentrer
chez eux d’un pas rapide tant il faisait froid. Normal pour un mois de Dix. Ou
de février comme François aimait le
murmurer à ceux qui lui donnaient une pièce…
Comme chacun
et notamment les clodos, François avait une histoire, son histoire. Il était veuf, tous ses enfants étaient partis vivre
à l’étranger - vivre, quoi ! -
et il avait volontairement fait le nécessaire pour se faire virer de son job très
rémunérateur mais qui le faisait chier.
A soixante-trois ans, il s’était
astucieusement organisé pour vivre, somme-toute assez confortablement, sur le
dos de ce système à la con devenu fou. Au début, le plus difficile avait été
d’obtenir la carte de PSDF (Précaire Sans Domicile Fixe) qui permettait de mendier tranquille, d’insulter
les gens si on en avait envie et de toucher toutes sortes d’allocs’. En tant que
souchien, ce n’était pas gagné… Au demeurant, en jouant sur l’incompétence
crasse des services sociaux et les heures de rendez-vous, il s’était arrangé
pour que son dossier soit traité par une leucoderme ex-COTOREP, ce qui restait possible
grâce au régime des quotas dans la fonction publique.
En parallèle, il s’était discrètement aménagé
un vrai deux pièces sous les toits, un galetas tout confort garni de bouquins avec
une connexion piratée aux réseaux. La mendicité était pour lui une contrainte de position sociale à
laquelle il s’astreignait occasionnellement, ayant peu de besoins et aucun
problème de fin de mois. Tel était François Réséda.
A l’abri sous
son feutre genre Borsalino orné de quelques festons de moisissure, il suivait
avec intérêt, en face, le manège du chouraveur cirage à capuche qui tripotait
la marchandise derrière la vitrine du déstockeur chinois. Et celui du commis à face
de citron qui l’avait à l’œil, mine de rien... Brusquement, les éclats de voix
des deux grosses dondons sénégalaises lui avaient fait tourner la tête. Les
deux sacs de graisse noire s’esclaffaient avec tant de bon cœur que ça secouait
leurs avant-scènes comme des ballots de gélatine.
C’était alors qu’il l’avait vue.
Brune mais
très pâle, les cheveux mi-courts bouclés, une mèche descendant au milieu de la
joue et l’œil noir, son regard faisait penser à une fille qui s’apprête à
passer un grand oral et qui en
veut. Elle avançait d’un pas décidé. Pas
le genre à faire un écart de la ligne droite. François se rappelle avoir pensé "- Fichtre ! Avec celle-là, les
autres n’ont qu’à se pousser". Il ne la quittait pas des yeux. L’avait-elle hypnotisé à ce point ? Il
devait être trop focalisé sur son visage en s’interrogeant sur ce qu’elle
était, sur celle qu’elle était.
Il est vrai
qu’elle n’avait même pas baissé les yeux une seconde vers son sac lorsqu’elle
en avait sorti le flingue. Elle continuait à avancer, désormais les deux bras
tendus à l’horizontale avec le flingue au bout. Personne autour n’a dit l’avoir
remarqué ! Mais surtout, lui François qui la regardait, n’a réalisé que
lorsque le premier coup est parti !! En se jetant à terre derrière la
poubelle, il a aperçu, le temps d’un éclair, le profil du type à l’instant même
où il encaissait la seconde. La bouche
ouverte, il regardait la fille avec une expression d’incompréhension qui ne
trompe pas. Dans une autre fraction de seconde, il avait entraperçu le dos de
la fille tournant à l’angle de la rue…
Après avoir
sauvé sa peau, il faut songer à se sauver des emmerdes et le chouraveur à capuche
s’est éclipsé vite-fait. L’un des deux tonnages africains éventait l’autre qui
était tombé dans les pommes…
"- Oui,
m’sieur l’agent, nous vaquions à nos petites affaires, nous avons été choqués et ensuite on a regardé le type
par terre, on n’a rien vu d’autre… Dites, on va avoir droit à quelque chose
comme indemnité s’il n’y a pas de cellule d’assistance
psychologique ?"
Quand les
flics l’ont interrogé, François a dit qu’il comptait ses pièces dans le creux
de sa main et qu’il n’avait rien vu non plus. Depuis, il se demande pourquoi.
Ce n’était pas son genre, mais quelque chose d’indéfinissable l’avait poussé à
se taire. Et il voulait comprendre pourquoi.
Il avait cherché
à en savoir plus, mais pas une ligne n’avait évoqué ce meurtre dans les
rubriques des faits divers des journaux.
Et voilà que huit
jours après la presse en parle enfin. Donc, ce type était Schemeun Sweborg. "Le Théo Sarapo à Gerbé" comme François
aimait dire à l’époque pour s’amuser de l’incompréhension des gens n’ayant
jamais entendu parler de la môme Piaf. Les médias en faisaient tout un plat, à
croire qu’on avait assassiné une grosse légume du genre Karim Benzema, ce sénateur quinquagénaire qui
préside le Comité National Olympique...
Et on dit que la police était sur les dents.
Et on dit que la police était sur les dents.
Putain !
se dit François. Manquerait plus que Galipoff essaie de me tirer les vers du
nez…
( à suivre... )
Réseda , comme blaze, ça envoie du pâté
RépondreSupprimerc'est le nom d'un logiciel de gestion qui régit les mouvements de pognon entre la sécu et les cliniques , genre tu poses trois prothèses , et on te rétribue au tarif syndical
la description de la fille qui égalise scheumen est assez rigolote
manquent quand même les élements essentiels , tour de taille et de poitrine , bonnets de sousti , fringues de bonasse , jean serré , tout quoi
sinon , j'adhère
j'adhère à la demande des mammas afwicaines
"si y a pas de cellule d'assistance psychologique est ce qu'on aura droit à un petit quéque chose comme indemnité?"