"Si la capacité des cons à s'auto-éliminer ne doit pas être négligée, la volonté effarante du monde moderne et de l'Etat-providence à les sauver rend vain tout espoir de sélection naturelle"

"Il y a deux aristocraties : celle du haut et celle du bas. Entre les deux, il y a nous, qui faisons la force de la France.

mercredi 9 octobre 2013

Les Zorglub...



Vaguement placé sous la tutelle aussi distante qu’approximative de correspondants de sa mère qualifiés de référents dans la paperasserie scolaire et sociale, Schemeun était parti pour passer la totalité de son adolescence encabané à temps plein dans un internat. Une de ces boutiques qui dispensaient principalement à des enfants d’énarques, de riches expatriés et de diplomates étrangers une formation middle et high school revue à la mode française. Mais cela n’allait pas durer beaucoup plus de deux ans.

Au cours de ses deux premières années en France, Schemeun grandit en âge et en sagesse sans poser de problème à quiconque. Docile et plutôt falot aux dires de ses enseignants, il occupait sa vie d’interne à la lecture et à la fréquentation assidue de la salle de sport. Occasionnellement, il meublait ses temps morts et ses temps vides en matant des séries télé sans négliger de se tripoter un zizi en voie d’épanouissement.  
Ses rapports avec sa mère avoisinaient le zéro absolu sur l’échelle du néant. Il l’avait si rarement et subrepticement rencontrée qu’il ne pouvait pas soupçonner au style que la lettre quadrimestrielle puis semestrielle de huit lignes (courier new, police 12) qu’il recevait d’elle était pondue par sa secrétaire qui suivait scrupuleusement son agenda. D’ailleurs, il a vite cessé de les lire.
La relation avec les Zorglub, en revanche, était plus étroite, si tant est que ce qualificatif signifie ici quelque chose, tout étant si relatif… Le couple Zorglub était le référent qui signait tous les mois ses bulletins scolaires par internet et l’alimentait en argent de poche par courrier. Mais surtout, il les voyait. Ils se voyaient à une fréquence au moins… pluriannuelle. Passé la banalité et l’affection mondaine de commande de leurs questionnements sur sa vie scolaire, leur conversation était d’un boboïsme affligeant. Mais Schemeun était encore trop jeune et hors du monde pour s’en rendre compte. En tout était de cause et aussi distendue soit-elle, la fréquentation d’Edmond et Sabrina Zorglub était pour le jeune Sweborg quelque chose de l’ordre de l’humain

Les Zorglub étaient l’incarnation la plus caricaturale des bobos parisiens. Sans enfants et fiers de s’acquitter de leur 71% d’IRPP, ils étaient trop. Au point qu’on n’aurait pas pu les inventer. Depuis que les temps avaient changé, ils avaient renoncé aux virées conviviales en rollers du vendredi soir et à leur loft de Belleville. Ils s’étaient repliés dans un duplex aux portes blindées à Levallois-Perret et Sabrina n’en sortait plus qu’en plein jour, en vélib’, sans bijoux ni vêtements de marque pour ne pas choquer la jeunesse. Bien sûr, s’ils ne faisaient plus de roller le soir, c’était parce qu’ils n’étaient plus tout jeunes. Leur départ de Belleville n’était justifié que par l’opportunité d’une soi-disant juteuse plus-value immobilière passée fiscalement à l’as à laquelle personne n’a cru. Bien sûr aussi, leur choix de Levallois plutôt que Neuilly tenait à la proximité du club privé-sécurisé de fitness fréquenté par le couple, pas du tout à la martingale ayant permis au maire encore socialiste de Levallois d’échapper au quota de 90% de logements sociaux… Et, s’ils affirmaient ne jamais regarder la télé réservée aux ploucs, ils suivaient scrupuleusement  sur les sites d’information sérieux les aléas et subtiles dérives du politiquement correct pour être sûr de ne jamais s’écarter du milieu du courant. L’attention qu’ils portaient à la chose n’allait pas, toutefois, jusqu’à leur faire remarquer les rats morts, les chiens crevés et les résidus de copulations lasses qui flottaient à leurs côtés et avançaient au même rythme qu’eux vers une hypothétique station d’épuration…

Mais là où les Zorglub étaient très forts et en remontraient à tous les guignols de la lumpenjet-set, c’était dans la gestion de leur carnet d’adresse et leur aptitude à s’insinuer dans les coquetèles les plus fermés comme dans le champ visuel des autorités morales du moment.
Ils adoraient ça, surtout pour le retour sur investissement qu’ils en attendaient. Leur savoir-faire dans ce domaine leur permettait en effet de briller dans les salons de leur niveau, c’est-à-dire les dîners en ville, les apéros entre collègues, les barbecues de week-end chez Machin en vallée de Chevreuse ou les beuveries d’après-ski à Courchevel. Sabrina jubilait de lire du dépit ou de la jalousie dans les yeux de ses copines quand elle leur racontait - en en rajoutant un peu - que le Secrétaire d’Etat Bambaa en charge de la pénibilité durable lui avait mis la main sur l’épaule ou que Torchon, le présentateur vedette du 20h, lui avait lancé un clin d’œil de braise. Les Zorglub avaient des joies simples…

Mais c’est cette innocente manie qui allait faire basculer la vie de Schemeun Sweborg.
( à suivre... )

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