Je disais que
Schemeun Sweborg était beau. J’entends par là que, dans la version juvénile de
son âge encore pré-nubile, on ne voyait rien chez lui que puisse l’exclure des
canons de la beauté codifiés par la statuaire grecque antique. A treize ans,
plutôt grand pour son âge, avec malgré tout encore un petit côté androgyne, il
commençait à être bien carré d’épaules et musclé mais sans excès. Un modèle
parfait pour un dessin de Pierre Joubert. C’était avec une naturelle
décontraction et en toute innocence que sa démarche chaloupée de jeune ado
mettait en valeur ses hanches étroites et ses petites fesses fermes et haut
placées moulées dans un jean de bonne coupe. Elancé, au port de tête gracieux,
il arborait une tignasse d’un blond scandinave imperceptiblement bouclée et une
nuque bien dégagée dont on était tenté de caresser la peau duveteuse. Enfin,
bref…
Aux marches du Palais, les Zorglub présentèrent leur carton
au black en costard ton sur ton qui triait le bétail à l’entrée. Il n’y avait
que trois taches blanches dans son dispositif : son col de chemise et ses
deux yeux. Son col ne bougea pas mais le diamètre de ses deux belles sous-tasses à
café en porcelaine de Limoges augmenta subrepticement…
"- Le jeune homme a son invitation ?"
Il est vrai
que depuis 2014 de l’ancien calendrier, les cartons d’invitation ne portaient
plus jamais la mention Monsieur et Madame.
C’eut-été trop compliqué à gérer et de
toute façon discriminatoire. Ils ne
portent plus que le prénom et le patronyme de l’invité, sous-entendu convié
avec son épouse ou époux ou compagne ou compagnon, homo, trans, éventuellement
hétéro, voire les trios ou plus lorsqu’ils sont notoires… Chacun vient avec la plante verte ou le caniche de son
choix, du genre de son choix…
Dans le
contexte de tels usages mondains, on ne faisait plus attention à rien, on ne
s’étonnait plus de rien. Chacun faisait comme il voulait et, comme tout le monde, les Zorglub ne se
préoccupaient plus de ces détails surannés. D’ailleurs, si l’époque en était
toujours à promouvoir l’Education
des jeunes et la
transmission des Valeurs
républicaines, il était ringard de se
soucier individuellement d’éduquer et
d’armer pour la vraie vie le
bourgeon humanoïde en devenir que les circonstances vous ont confié… Baignant
dans cette poche amniotique où Les nuits
fauves était dorénavant proposé en ciné-club aux morveux de CM2, les
Zorglub n’avaient même pas pensé que ce pauvre Schemeun allait s’emmerder comme
un rat mort, seul de son espèce, au milieu de toutes ces grappes de tarés
minaudant en grignotant les petits fours à Gerbé…
Le black, les
pieds sur le tapis rouge, n’était pas une chance pour la France de la troisième
génération. C’était un Camerounais, communautarisé,
certes inséré, mais modérément intégré et surtout pas assimilé pour la plus grande chance des siens. En dépit de ses pompes cirées il
avait encore les pieds sur la latérite de son village près de Yaoundé. On n’y
voyait pas de homard en plastique et autres trucs de ce genre, mais le type
voyait plus loin que la bite du "Nouvel Homme" et les foutaises des
mecs qui lui payaient son salaire.
"-
Le jeune homme a son invitation ?" qu’il répète cézigue…
La propagande
d’Etat fusionnelle et sirupeuse du Vivre-ensemble™
était devenue si prégnante et consubstantielle à la citoyenneté que les gens avaient bien dû trouver autre chose où
s’accrocher pour éviter de péter un boulon. Dans les milieux évolués (traduisez friqués), on s’était donc rabattu sur un retour
aux exigences tatillonnes en matière de rapports de classe, de caste, de
respect dû par les domestiques, etc. On ne change pas le monde impunément…
D’un ton
hautain et sans appel, Edmond répondit au préposé :
"- Il est avec nous et il suffit !"
Le type ayant
alors eu le front de faire ce commentaire : "-
Je ne pense pas que ce soit une bonne chose, Monsieur", le ton monta. Sabrina
l’invita d’une voix perchée à se mêler de ce qui le regarde et Edmond exigea
qu’il appelle son supérieur. Lequel se révéla être un colosse, lui aussi
Bamiléké et du même village que son subordonné…
La queue
d’invités grossissait derrière. Les Zorglub espéraient son soutien. Mais un
zest résiduel de bon sens retenait quand-même les premiers rangs qui se
demandaient ce que ce gamin foutait là. Quant à Schemeun, il aurait bien voulu
être ailleurs.
C’est alors
qu’une voix âgée mais autoritaire enjoignit au planton de laisser passer.
( à suivre... )
Rrrhhhaaaaa, quel feuilletoniste vous faites!!!
RépondreSupprimerToujours à nous laisser en haleine.
Aussi bon que Georges Sand. Oui, étant berrichon d'adoption depuis peu, je me lance dans la lecture des célébrités littéraires locales. Laquelle a publié nombre de romans en feuilleton (faut bien vivre!)
Et ça se ressent dans les rebondissements qui ponctuent nombre de fins de chapitres.
Popeye
Je suis sûr que Paul Gerbe va chercher à lui faire le cul....
RépondreSupprimerVieux sagouin ( ça se dit plus, ça, sagouin) prêt à souiller un jeune....
Et la vengeance, ça doit être la mère biologique, porteuse, quoi, qui, mal payée après avoir fourni un gosse, inséminée par le foutre du jeune Scheumen, en conçoit un dépit tel qu'elle le révolverise.....
C'était"anticipation des scénario par Jakob Lollandais"
Oui, j'ai un don de prescience, mais je l'exploite pas car personne me croit jamais
Ils ont bien raison de ne pas vous croire
Supprimerben oui
Supprimercomme Cassandre
enfin, on finira tous pendus aux créneaux des remparts de Troie
maintenant, savoir quel sera le cheval....notre appétence aux merdouilles bon marché made in china, notre addiction à la dette publique, notre dépendance aux paradis artificiels et néanmoins télévisuels....je vois rien dans ma boule de cristal...peut être notre culpabilité blafarde et notre moraline chrétienne....