( suite de vendredi dernier )
Paul Gerbé
n’avait rien perdu de la scène par-dessus l’épaule de son interlocutrice du
moment, une sorte de Quasimodo négroïde en version présumée femelle, sous-ministre
chargé(e) de la condition transgenre et du droit des asexués qui était en train de
le saouler avec ses jérémiades. Trop content du prétexte, il la quitta pour
aller voir. Si les Zorglub étaient arrivés cinq minutes plus tôt, lorsque Gerbé
s’entretenait encore avec le styliste italo-slovène qu’il venait de faire
nommer président d’Ass Up’, tout
aurait peut-être été différent.
Il n’était
pas dans les habitudes d’un personnage aussi considérable que lui de s’abaisser
au point de régler un problème de portier. Mais, alors qu’il cherchait à la
ronde une échappatoire faute de pouvoir évincer brutalement un membre du gouvernement, aussi
minus soit-il, il avait vu
Schemeun…Et il s’était
senti rajeunir de cinquante ans ! Au moins...
Certes, à 92
balais, c’était désormais un vieillard dont la taille s’était tassée et la peau
fripée en dépit des cosmétiques. Mais il n’était ni voûté ni flagada et en
remontrait encore par sa prestance à la plupart des sexagénaires de basse
extraction usés par la mine. Grâce aux progrès de la gérontologie, de la
chirurgie réparatrice, des organes de rechange accessibles sur le marché
mondial et des améliorations apportées au Viagra par les laboratoires Pfizer,
il ne doutait pas avoir encore de longues années devant lui.
D’ailleurs, rien
ne lui avait jamais résisté. Pourquoi la nature lui résisterait-elle ? Il
lui avait déjà suffisamment fait d’enfants dans le dos sans qu’elle réagisse.
Et pas
seulement la nature mais aussi la contre-nature, sa vieille complice qu’il
affectionnait tant et qu’il poussait toujours devant lui, parfois
jusqu’à lui faire avaler ce qu’elle-même n’aurait pas pu imaginer toute seule…
Il avait
brassé tant d’affaires, y compris dans le caviar ; imposé sa marque et ses caprices à tant
d’organes de presse ; créé, financé et contrôlé tant d’associations et
lobbies aussi indispensables que Ass Up’, Sidacon ou Esso es moisi, nurseries où il avait nourri au biberon tant de
larves comme Harley M’davnir pour les
avoir à sa main, qu’il avait fini par faire aboutir toutes les avancées qui lui étaient chères.Toutes :
Le Mariage "PousseTout" ; l’adoption itou ; la PMA, la GPA,
l’IVV (Interruption Volontaire
de Vieillissement) ;
la suppression des vieilles fêtes obscurantistes ; etc. La CVG (Continuation
Volontaire de Grossesse)
était dorénavant mise sur le même plan et moins bien remboursée que l’IVG. La CVO
(Cession
Volontaire d’Organes) faisait encore un peu débat mais c’était
en bonne voie… Son mépris des femmes - et des hommes quelconques - avait
sûrement dû l’y aider et il ne voyait pas de raison que ça ne continue pas
comme ça.
Cependant, le
décès d’Yvan Saint-Lolgenre, le grand amour de sa vie avec lequel il s’était
judicieusement pacsé tout juste avant sa mort, avait dû flanquer un
coup à son karma. En outre, depuis l’élection du président Abderrahmane, il
avait dû mettre une sourdine à diverses campagnes d’avancées sociétales trop en décalage avec les hadiths. Et bien que
ses investissements récents dans des centres de location de ventres en batterie
au Bengladesh génèrent des retours juteux au-delà de toute espérance, il avait
un peu de vague à l’âme…
Et ce jour-là
il avait vu Schemeun…
Un vrai
retour d’âge… Bien sûr, en dépit des performances des plus récentes et
onéreuses molécules de synthèse, il avait perdu la tonicité affective et
charnelle lui permettant de conclure, et même d’entreprendre, comme au temps de ses vingt ans,
quand il titillait la prostate de - comment s’appelait-il déjà ? - ah
oui ! Barnum Bluffé, un griffonneur au fusain dont plus personne ne se
souvient et qui avait fini naufragé avec une femelle tout juste bonne à se
faire refaire le nez… Heureusement qu’il l’avait largué lorsqu’il a rencontré
Yvan !
Bien sûr,
aussi - ne vous méprenez pas - il était désormais surtout à la recherche d’une
simple présence à ses côtés… Car même
chez ses spécimens les plus utilitaristes, égoïstes et imbus de leur puissance,
l’espèce humaine a besoin de ça à l’approche du crépuscule. La nature se venge…
Les deux
blacks renfrognés avaient leur quant-à-soi mais c’est celui qui paie qui
commande :
( à suivre... )
et dire que j'ai attendu tout ce temps pour lire ce morceau de bravoure !!! Heureusement qu' "il est dead, le keum", il aura au moins fait quelque chose de bien dans sa vie.
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