Schemeun
Sweborg ne les avait pas vues venir, celles-là…
Chemisées
d’acier recyclé dans les sous-sols bétonnés de la rue Vassil Levski à Sofia,
elles avaient attendu bien longtemps dans l’obscurité d’une caisse en bois de
chêne goudronné. Finissant par se convaincre qu’elles ne serviraient jamais à
rien, elles s’étaient faites à l’idée de finir dans une unité de dépollution et
de récupération de vieux métaux en application de quelque désarmant caprice
onusien.
Pourtant,
contre toute attente, elles furent un jour bousculées dans leur emballage de
carton et sentirent qu’elles partaient en voyage, secouées au gré des
souffrances de lames de suspension prêtes à rendre l’âme. Revint ensuite un
temps où on les laissa reposer comme le bon vin. Elles, toutefois, ne faisaient
pas de dépôt…Et voilà qu’hier soir des mains sont venues se saisir d’elles.
Auraient-elles vécues dans le monde qu’elles auraient su qu’il s’agissait de
mains féminines, des mains aux longs doigts nerveux, mais curieusement moites
et fébriles. Ces doigts les ont sorties de leur boîte et mises en place, la
première devant alors monter dans la
chambre conformément à son destin…Et voilà qu’elles viennent de quitter la chambre, aussi sec, pour
achever en apothéose leur carrière d’objets manufacturés.
Deux bastos
de 9 mm Parabellum dans le buffet de Schemeun Sweborg. Deux...
C’est ainsi
qu’on meurt parfois à vingt-huit ans. Un peu la faute à pas de chance. D’abord,
le vieux Zastava M60 aurait pu s’enrayer. Il n’avait que très peu servi, une fois au
stand de tir et il y avait bien longtemps. D’ailleurs, la fille aurait été bien
incapable de le démonter et de le remonter. Ensuite, elle n’avait jamais
tiré ! Bien sûr, elle le tenait à deux mains, comme elle avait vu faire
dans un vieux reportage sur l’entraînement du GIGN, rediffusé sur la chaîne
mémorielle Télé 29 (dans
la série "Souvenez-vous des HLPSDNH")…
Elle
tremblait comme une feuille et ça aurait dû partir dans tous les sens : La
fille sur les fesses, poignet luxé ; avec peut-être, vidangées sur le
trottoir, les tripes d’une ou deux afwicaines deux tonnes par essieux en
boubous qui papotaient à trois heures de la cible…
Ben non.
Aucun gaspillage…
Peu importe dans quel ordre à l’arrivée, les deux bastos étaient "létales
direct" : L’une lui a explosé le sternum et pirouetté dans le poumon,
l’autre a traversé le ventricule gauche (avec geyser, oh la belle rouge !) et transformé une côte en tas de cure-dents.
Du bel ouvrage…
Comme les
douilles étaient tombées dans le caniveau et que le cantonnier Malien avait
ouvert la vanne en orientant efficacement la flotte avec son boudin de
serpillère pour s’éviter de balayer, elles sont parties dans les égouts, de
concert avec trois mégots et un préservatif usagé, au gré du flot d’eau sale et
d’urine de chiens.
"- Du travail de pro" qu’ils ont dit les flics…
C’était rue
Guy Môquet dans le 17°, devant un magasin de produits exotiques. Il était
exactement 19 h 41’ 32’’ et nous étions le 18 Dix 252. Ah oui ! C’est vrai
que vous êtes gâteux et faites comme vos aïeux dont vous vous moquiez quand ils
parlaient en anciens francs : Le
18 février 2041, donc… Dans un souci de respect de la laïcité, il y a un bail
que la République a abandonné le décompte "Après Ji.Cé." au profit du point germinal suggéré par un
certain Vincent Peillon, ce qui est d’ailleurs la seule raison qui fait qu’on
se souvienne de lui. On a aussi abandonné les noms des mois, trop connotés
antiquité gréco-romaine. Les chiffres, c’est plus pratique, même si les vieux
se trompent souvent depuis que le 1°Un
est l’ancien premier Mai pour mieux faire du passé table rase… Enfin bref.
Le 19 Dix au
matin, une fiche relatant le meurtre figurait comme de coutume dans le
parapheur de la ministre de l’Intérieur et de la prévention du vivre-ensemble.
Térébenthine Duclos-Cantamerlo la parcourut, la tourna, la retourna, hésita
encore et l’annota enfin d’un "SS" au crayon bleu : "Sans
Suites"…
Il faut dire
que Térébenthine était la seule ministre 100% leucoderme du gouvernement. Le
Président Abderrahmane l’avait imposée au titre des quotas ethniques, mais avec
un portefeuille régalien aussi important, cela avait eu du mal à passer. Sweborg
étant aussi un leucoderme pur jus, Térébenthine avait donc jugé inopportun de
faire diligenter une enquête par crainte d’être soupçonnée de conflit d’intérêt.
Il est vrai que
les assassinats en pleine rue étaient si fréquents qu’on devait de plus en plus
classer les affaires sans suites bien que les victimes soient presque
exclusivement bronzées. Et cela faute de trouver encore assez de suspects
suffisamment souchiens pour être présentables...
Pourtant, ce
Schemeun Sweborg, ça lui disait vaguement quelque chose…
(à suivre)
Il y a du style...
RépondreSupprimer"les africaines en boubou deux tonnes par essieu" ayant ma préférence.
Popeye
Voila le type "d'attaque" qui donne envie de lire la suite!
RépondreSupprimerPauvre Térébenthine !
RépondreSupprimerMoi aussi, ce nom à habiter en dehors du frankistan, Scheumen ( pour Schumann ? Maurice, peut être ?) Sweborg ( montagne suédoise ?), ça ne m'est pas inconnu
RépondreSupprimerJ'attends que vous m'en disiez plus, qu'on puisse confirmer tout ce sentiment ( le déjà vu, déjà entendu, c'est comme l'insécurité, ça procède du sentiment)
Pour le patronyme, "Sweborg" est une contraction de "Swedenborg", principauté du Prince Eric de Serge Dalens.
SupprimerPour le prénom, réponse dans la page d'aujourd'hui^^