Si Edmond
Zorglub cherchait plutôt à ramasser les miettes de confidences d’initiés auprès
des soutiers des cabinets ministériels et seconds couteaux de la finance
mondialisée, Sabrina, elle, était nettement portée à privilégier la visibilité de la bulle people. Et c’est pour faire plaisir à sa
femme qu’Edmond dénicha un jour un coupe-fil pour la prochaine inauguration à
Paris de la dernière création de Farukami-Sturp.
On ne
s’étendra pas sur Aquiliù Farukami-Sturp*, un des plasticiens
les plus chers de sa génération. Les plus vieux d’entre vous se souviendront
sans doute du prix pharaonique déboursé par le Fonds National d’Art
Contemporain pour acquérir sa Stérile
ensemencée, aujourd’hui sous bâche dans les réserves du musée de
Charleville-Mézières.
Toujours très
en vogue aux Etats-Unis, Farukami-Sturp n’avait jusqu’alors jamais présenté en
avant-première une création inédite en France. Le dévoilement de son Nouvel Homme de cinq mètres de haut sous la
coupole du Grand Palais, entièrement réservé pour l’occasion, allait donc être un
grand moment. D’autant que cette création magistrale représentait dans l’œuvre
du Maître un tournant, une nouvelle période, annonçant un retour
révolutionnaire vers le figuratif.
Sachant sentir avant tous les autres
les nouvelles pulsations du monde
comme l’ont écrit les critiques, il allait offrir aux amateurs les plus
intenses sensations avec ce Nouvel Homme,
préfiguration d’un avenir proche : Au travers d’une virile chute de reins
translucide nimbée d’une douce lumière bleu pastel, on pourra contempler toute la
profondeur de cathédrale et éprouver l’appel impatient que suggère l’évasement gourmand
d’un monumental étui à la fois rectal et vaginal. Etui s'offrant, avidement tendu, magnifiquement dilaté et tout naturellement conformé, pour accueillir le propre phallus de lui-même exhibé - à la proportion de l’œuvre - dans une érection à
faire pâlir Rocco Siffredi (reprenez votre respiration)…
Sabrina
allait avoir de quoi frétiller en racontant ça à son entourage…
Mais
l’organisation d’une manifestation si grandiose comme le préfinancement de la
bête exposée nécessitaient évidemment l’intervention d’un sponsor mécène
de poids. Le financeur et patron de l’opération, le maître de maison recevant
les invités, payant le champagne et les petits fours n’était autre que Paul Gerbé. En 238, il ne pesait plus
aussi lourd qu’autrefois pour deux raisons. D’abord, quoique bien conservé
grâce à divers échanges standards de
pièces que ses moyens lui permettaient de faire remplacer sans trop se
soucier de la provenance des glacières, il avait quand-même désormais 92 ans et
sa tonicité s’en ressentait. Ensuite, toutes les causes sociétales qui ne tenaient la route que grâce à son fric
étaient dorénavant acquises et ne
faisaient plus débat pour les gens qui comptent. Il n’avait donc plus guère
d’occasions de la ramener, d’autant que le poids dominant dans l’opinion de
l’obscurantisme religieux que-nous-connaissons-bien l’obligeait à baisser d’un
ton.
Mais son
mécénat toujours judicieusement ciblé arrosait et faisait vivre tant de gens
qu’il restait une sorte de bonze indiscuté exigeant génuflexion de tous, trop
heureux d’avoir l’honneur de lui lécher l’escarpin.
Edmond et
Sabrina Zorglub se préparaient donc fébrilement depuis huit jours pour cette
réception exceptionnelle. Les discussions du couple portaient chaque soir sur
le choix des fringues les mettant le mieux à leur avantage pour espérer être
remarqué par Paul Gerbé lorsqu’ils joueront des coudes pour lui serrer la
louche. On ne mettait plus de cravate et Edmond avait opté pour un col largement
ouvert d’un blanc immaculé, une chemise portant
la griffe du fournisseur de Béachelle. Cela aurait pu faire ringard, ce vieux
schnock de 77 ans ayant fini à Ste Anne après s’être définitivement ramassé à
force de conneries il y a bien dix ans de ça. Mais, heureusement, personne ne
s’en souvenait… Sabrina s’était achetée une nouvelle robe longue très
rive-gauche et avait changé de parfum…
Le matin du
grand jour, la messagerie de la tablette multifonction de Sabrina s’était
éclairée en couinant : Message de l’Institution les déchargeant du jeune Sweborg
H24, 7/7, etc. Focalisés depuis tant de jours sur le carton d’invitation au
chiffre de Paul Gerbé, les Zorglub avaient oublié… C’était le week-end
trimestriel où Schemeun devait dégager de l’Internat. Les parents ou
adultes-référents étaient prévenus depuis des mois. Le cas échéant, à eux de
prendre leurs dispositions. Ce n’était pas négociable…
Panique à
bord. Recherche fébrile en déroulant les sept-cent lignes d’amis, virtuels ou non, figurant sur
leurs comptes des réseaux sociaux pour trouver le couillon pouvant accueillir
Schemeun pour un soir… Nada !
Après tout,
ce garçon qui avait maintenant treize ans était joliment tourné, bien bâti pour
son âge, svelte, sportif et beau comme un jeune dieu de l’Olympe. Il avait dans
sa garde-robe ce qu’il fallait de propre et d’adapté à la circonstance.
Peut-être même contribuerait-t-il à les mettre en valeur…
( à suivre... )
* Note de l’Editeur : La notice Wikipédia actualisée en 238 sur Aquiliù Farukami-Sturp n’étant
pas encore disponible en 2013, vous
trouverez - si le maître vous intéresse - de remarquables développements à son
sujet ICI.
Je sens que c'est là que ça va se corser..
RépondreSupprimerencore que je me paume un peu dans les dates.
Popeye
Je suis bon et je résume : Nous sommes en "252", donc en 2041 (cf début).
SupprimerLe narrateur fait un retour en arrière pour nous affranchir sur le contexte : Le môme né en 2013 revient en France à 11 ans (2026) Deux ans plus tard (en 2028) on le traîne au Grand Palais... (à suivre^^)
Paul Gerbé n'aurait-il pas alors 98 ans en 239? Vu qu'il est né en 141?
SupprimerC'est pour ça que je me perdais dans les dates...
Popeye
Mon cher ami, je me permettrai de faire deux remarques :
Supprimer- Tout d’abord, Schemeun étant né en 224 et ayant 13 ans lors de l’action dont il est question supra, celle-ci se passe en 237 et non pas en 239. D’autre part, je n’ai jamais dit que Paul Gerbé, ce cher homme, était né en 141. Vous devez confondre avec quelqu’un d’autre (sans doute une "ressemblance purement fortuite"… )
- Ensuite, pour vous rassurer sur mes compétences arithmétiques, je vous renvoie à cette citation d’Alexandre Vialatte. Sachez que je la fait mienne et que je la partage :
"Un historien vraiment soucieux de son style fait perdre ou gagner la bataille suivant les intérêts de sa phrase et non pas ceux d’une ressemblance photographique avec des faits QUI AURAIENT PU ÊTRE TOUT DIFFERENTS ! C’est une question de conscience professionnelle."
J'ajouterai qu'outre les besoins de l'intrigue, on rajeunit toujours ceux que l'on aime^^
SupprimerJe voudrais pas me mêler, mais un réceptacle vaginal et rectal, c'est un cloaque
RépondreSupprimerOu un militant pipolitique de gauche, au choix....
Sinon,la description de Paul Gerbe, priceless!
Surtout le mot sur l'échange standard des pièces défectueuses....