Schemeun
Sweborg était né à Paris en 2013 de l’ancien calendrier, d’une mère américaine
d’origine scandinave. Très introduite dans le milieu culturel friqué
new-yorkais, Solveig Sweborg avait dû accoucher prématurément à Paris au cours
d’un voyage consacré à la recherche de nouveaux potentiels financiers en matière d’art contemporain. Seule à Paris
et en l’absence de géniteur précis,
elle s’occupa elle-même de déclarer à l’état-civil le lardon vagissant dans sa
couveuse. Démarche, disons-le, qui
restera après son travail de parturiente le plus gros effort physique et mental
qu’elle fournira en profit de son héritier.
Elle estimait
à peu près la provenance du gamète
mâle s’étant accidentellement invité chez elle. Il s’agissait sans doute, sauf
erreur et marge d’approximation, d’un courtier en installations et performances
d’art contemporain, un peu vulgaire mais suffisamment bien monté pour qu’elle s’en soit hygiéniquement
servie après un vernissage ; ce qui l’exonéra de préfinancer une prochaine
œuvre d’Aquiliù Farukami-Sturp dont le type faisait une insistante promotion. Pas
plus portée sur son arbre généalogique que sur les vies des Saints et le type en
question étant forcément juif, elle décida d’appeler le môme Simon…
Fraîchement
débarquée de Somalie avec le statut honorable de réfugiée et une maîtrise
approximative de la langue vernaculaire locale, la jeune employée municipale officiant
à l’état-civil n’en était qu’au début de son contrat d’emploi d’avenir, depuis
lors renouvelé jusqu’à sa retraite dorénavant acquise. Pour sa part, Solveig
Sweborg était affligée d’un snobissime accent amerloque absolument
épouvantable. Habituée à écrire Mohamed, Aïcha ou Ubwa, voire parfois Vassili
ou Kevin, la pauvre fonctionnaire supplétive s'efforça de transcrire phonétiquement ce qu’elle pensait entendre, en ajoutant un S devant pour faire sérieux.
Solveig Sweborg signa sans relire et un nouveau prénom vint enrichir le
matériau que brasseront les historiens passionnés d’histoire sérielle.
Le môme
bénéficiant accessoirement de la nationalité française grâce aux bienfaits du droit du sol, Solveig Sweborg imagina un
instant l’abandonner purement et simplement. Mais, n’ayant pas pensé dans
l’urgence à accoucher sous X, elle se
dit que ça allait être compliqué et, surtout, que ce serait néfaste pour sa
réputation. Elle se ravisa donc et le ramena aux Etats-Unis.
Il existe peu
de documents permettant de reconstituer les années d’enfance du jeune Schemeun.
Outre quelques bulletins scolaires d’une Elementary
School suggérant un élève assez moyen et timide, les seules traces de son
existence durant ces années-là se trouvent dans les relevés de comptes
bancaires de sa mère : Paiement de pensionnats dès la Nursery school, d’internat en centres de loisirs durant toutes les
vacances scolaires et de cours de français dès le retour des Républicains à la Maison Blanche… Sans
oublier des règlements réguliers d’honoraires à des orthophonistes et des
pédopsychiatres dont, semble-t-il, le garçon avait nul besoin…
On en sait
plus à partir de 235 (ah
oui, excusez-moi, 2024 donc…)
Solveig Sweborg jugea alors qu’il était temps pour son fils d’aller à la rencontre d’autres cultures.
L’éloignement, disait-elle, lui ferait le plus grand bien (à son fils,
hein !)
Accessoirement, elle était, euh…, navrée de ne plus pouvoir lui rendre visite
chaque trimestre mais seulement, disons… une fois par an peut-être ?
C’est ainsi
que Schemeun Sweborg, alors encore garçonnet de onze ans, fut de retour à Paris
où la fille de la rue Guy Môquet portait probablement encore une couche-culotte…
(à suivre...)
Tout cela fait très crédible, hélas.
RépondreSupprimerPourquoi hélas ?
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